Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/711

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d’autre devoir à remplir que de me montrer assez reconnaissant envers les principaux auteurs de mon rappel, le temps qui me reste à vivre serait trop court, je ne dis pas pour reconnaître, mais pour publier tout ce que je leur dois.

Pourrons-nous jamais, moi et les miens, nous acquitter envers Lentulus et ses enfants ? Quelle marque de gratitude, quel effort d’éloquence, quels témoignages de vénération pourront jamais égaler tous ses bienfaits ? J’étais abattu et renversé ; il est le premier qui m’ait tendu la main, offert sa protection consulaire, qui m’ait rappelé de la mort à la vie, du désespoir à l’espérance, et de ma perte à mon salut ; telle a été son affection pour moi, et son zèle pour la république, qu’il a cherché comment il pourrait, non seulement mettre fin à ma disgrâce, mais encore la tourner à ma gloire. Que pouvait-on m’accorder de plus magnifique et de plus beau que ce décret rendu par vous sur sa demande, en vertu duquel, dans toute l’Italie, ceux qui voulaient le salut de la république devaient venir pour défendre et pour rétablir un homme seul, un homme abattu et presque sans espoir ? Oui, cette parole que trois fois seulement depuis la fondation de Rome le consul avait fait retentir, pour le salut de toute la république, aux oreilles de ceux qui pouvaient entendre sa voix, le sénat l’employait pour exciter les citoyens romains et l’Italie entière, dans toutes les campagnes, dans toutes les villes, à venir consommer le rappel d’un seul homme.

X. Que pouvais-je laisser à mes descendants de plus glorieux que cette décision du sénat qui semble déclarer ennemi de la république tout citoyen que je n’aurais pas eu pour défenseur ? Aussi l’autorité imposante de votre décision, et la dignité éminente du consul, firent une si grande impression, qu’on aurait cru se déshonorer, si l’on ne fut point accouru à votre appel. Le même consul, quand une foule immense, et presque toute l’Italie, se fut rendue à Rome, vous assembla en grand nombre dans le Capitole. Vous comprîtes alors tout ce que pouvaient un excellent naturel et la vraie noblesse. Q. Métellus, frère de mon ennemi, et mon ennemi lui-même, instruit de vos intentions, oublia tout ressentiment personnel : P. Servilius, citoyen aussi illustre que vertueux, mon fidèle ami, joignit à l’ascendant de son caractère la force merveilleuse de ses discours, pour le rappeler aux actions et aux vertus d’une famille qui leur est commune ; il évoqua de leurs tombeaux son frère qui m’avait secondé dans toutes les opérations de mon consulat, et tous ces illustres Métellus, dont il l’engagea à suivre les exemples ; il fit parler surtout le vainqueur des Numides, ce Métellus, à qui son départ de Rome fut aussi indifférent qu’il fut triste pour Rome entière. Ainsi, celui qui avait été mon ennemi avant ce premier bienfait, devint un des plus fermes appuis et de mon rétablissement et de ma dignité. En ce jour où vous étiez assemblés au nombre de quatre cent dix-sept, où tous les magistrats étaient présents, un seul fut d’un avis contraire ; celui qui, par sa loi, voulait même qu’on fit revivre les conjurés. Et dans ce même