Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/109

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on vous le donne, ce n’est pas dans le sens du vulgaire, c’est dans celui des gens instruits, et comme il ne convient à aucun homme de la Grèce ; car ceux qui raffinent sur cette matière le refusent aux sept sages eux-mêmes. À Athènes, un seul homme le mérita, et c’est celui que l’oracle d’Apollon déclara le plus sage. Votre sagesse, à vous, de l’aveu de tout le monde, est celle qui consiste à ne dépendre que de soi, et à s’élever, par la seule vertu, au-dessus de tous les événements humains. On me demande donc, et à Scévola aussi, je pense, de quelle manière vous supportez la mort de l’Africain ; on nous le demande surtout, depuis qu’aux dernières nones, nous étant tous rendus dans les jardins de l’augure D. Brutus[1] pour nos conférences ordinaires, vous ne vous y êtes point trouvé, vous qui, à pareil jour, n’aviez jamais manqué de remplir un tel devoir.

Scévola. Oui, Lélius, beaucoup de gens me font cette demande, comme vous l’a dit Fannius ; et je réponds que vous supportez avec modération, comme j’ai cru m’en apercevoir, la douleur que vous a causée la mort d’un ami aussi cher et d’un personnage aussi illustre ; que vous n’êtes pas assez insensible pour n’en être point affecté ; mais que si vous n’avez pas assisté à notre assemblée des dernières nones, la cause en est au dérangement de votre.santé, et non à l’excès de votre affliction.

Lélius. Vous avez raison, Scévola. Je n’ai pas dû, pour une perte qui m’est particulière, manquer à un devoir que j’ai toujours rempli avec zèle quand ma santé me l’a permis ; et je ne pense pas que, dans aucun cas, un homme grave doive interrompre ses fonctions. Pour vous, Fannius, lorsque vous dites qu’on m’accorde une

  1. D. Junius Brutus, qui fut consul en 615 avec P. Scipion Nasica Sérapion.