Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/123

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qui placent le souverain bien dans la vertu ; mais c’est elle qui fait naître et entretient l’amitié ; car, sans la vertu, il ne peut être d’amitié véritable. Et n’attachons ici au mot de vertu que le sens que nous lui donnons dans l’usage de la vie et dans nos discours, sans la définir par les termes magnifiques de quelques philosophes ; comptons au nombre des gens de bien ceux qui sont regardés comme tels, les Pauls, les Catons, les Gallus, les Scipions, les Philus ; on se contente de semblables gens de bien dans la vie commune ; et ne parlons pas de ceux qu’on ne trouve nulle part. L’amitié entre de tels hommes produit tant d’avantages, qu’il me serait difficile d’en faire l’énumération. D’abord, est-il un homme pour qui vivre soit réellement vivre, comme dit Ennius(7), s’il n’a pas à se reposer quelquefois dans le sein d’un ami ? Quoi de plus doux que d’avoir quelqu’un avec qui l’on puisse s’entretenir comme avec soi-même(8) ? Quelles seraient vos jouissances dans la prospérité, si vous n’aviez personne pour les partager ? et comment supporteriez-vous les maux de l’adversité, si votre ami ne s’en affligeait plus que vous-même ? Enfin tous les autres objets de nos désirs sont presque bornés chacun à leur utilité propre : nous devons aux richesses les commodités de la vie ; au crédit, les respects ; aux honneurs, la louange ; aux plaisirs, la joie ; à la santé, l’absence de la douleur et le libre usage des facultés physiques. L’amitié seule réunit une foule de biens et d’agréments : de quelque côté que vous tourniez vos regards, partout elle se présente à vous ; nulle part elle n’est étrangère, jamais hors de saison, jamais importune ; le feu et l’eau, comme on dit, ne sont pas d’un plus grand usage. Je ne parle pas, dans ce moment, de l’amitié vulgaire ou médiocre, qui a pourtant ses plai-