Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/165

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mais l’amitié doit être facile, indulgente, et toujours plus portée à la douceur et aux prévenances.

XIX On fait ici une question assez captieuse : on demande si nous devons préférer à nos anciens amis les nouveaux, quand ils sont dignes de notre amitié, ainsi que nous avons coutume de préférer les jeunes chevaux aux vieux. Le doute sur une telle question serait indigne d’un homme. L’amitié ne doit pas être, ainsi que beaucoup d’autres choses, sujette à la satiété. La plus ancienne, comme le vin qui supporte bien les années, doit être la plus douce ; et ce vieux proverbe est plein de vérité, qui dit qu’il faut manger ensemble plusieurs boisseaux de sel, avant que l’amitié soit parfaite. Quant aux nouvelles amitiés, il ne faut pas les négliger, si, comme les plantes qui ne trompent jamais, elles font espérer d’heureux fruits ; mais que les anciennes conservent leur rang. Une longue habitude a sur nous beaucoup de force ; et pour revenir aux chevaux dont j’ai parlé tout à l’heure, il n’est personne qui, libre dans son choix, ne se serve plus volontiers de celui qu’il monte d’ordinaire, que d’un autre qu’il n’a jamais essayé. Cette force de l’habitude nous attache non seulement aux animaux, mais encore aux choses inanimées : ainsi nous nous plaisons dans les lieux escarpés et sauvages où nous avons long-temps vécu. Mais un point essentiel en amitié, c’est que la supériorité des rangs disparaisse. Il est souvent des amis d’un ordre élevé, comme l’était Scipion dans notre société. Jamais il n’eut l’air de se préférer à Philus, ou à Mummius, ou à Rupilius, jamais à aucun de nos amis, de quelque rang inférieur qu’il fût. Il respectait le droit d’aînesse dans Q. Maximus, son frère, homme d’un grand mérite, mais qui certes ne le valait pas ; et il