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DE LA VIEILLESSE.

suis livré avec l’avidité d’un homme qui cherche à étancher une soif ardente, impatient que j’étais de connaître les traits que je vous cite aujourd’hui pour exemples. Quand j’ai su que Socrate s’exerçait à jouer de la lyre, j’aurais voulu, en vérité, le faire aussi, à l’imitation des anciens. Mais, du moins, je n’ai rien négligé pour apprendre sa langue.

IX. La faiblesse du corps est le second reproche qu’on fait à la vieillesse ; mais, de bonne foi, je ne désire pas plus aujourd’hui d’avoir les forces d’un jeune homme, que je ne désirais, dans ma jeunesse, d’avoir celles d’un taureau ou d’un éléphant. User de ce qu’on a, et agir en tout selon ses forces, telle est la règle du sage. Est-il, en effet, rien de plus méprisable que ce mot de Milon de Crotone ? Étant un jour, dans sa vieillesse, à voir les athlètes s’exercer, on rapporte qu’après avoir regardé ses bras, il s’écria en pleurant : Ceux-ci, hélas ! sont déjà morts. Homme frivole, c’est toi-même qui n’es plus ! car ce n’est pas toi qui as été fameux, ce sont tes reins et tes muscles qui l’ont été. On ne cite rien de tel de Sextus Élius, de Tib. Coruncanius, bien plus ancien encore, de P. Crassus, qui est plus près de nous ; ils furent tous, aux yeux de leurs concitoyens, comme les oracles de la jurisprudence, et l’on admira leur sagesse jusqu’au dernier terme de leur vie. Pour un orateur, je craindrais que la vieillesse n’affaiblît ses moyens ; ils ne sont pas seulement dans son génie, ils sont aussi dans ses forces et ses poumons. Il est cependant des vieillards qui, je ne sais comment, conservent encore tout l’éclat de leur voix. Je ne l’ai pas perdu, et vous savez pourtant le nombre de mes années. Toutefois la voix du vieillard est calme, grave, imposante ; et lorsqu’il est disert, sa diction douce et pure le fait