Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/357

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dire, entées sur elle ! En effet peut-on se reconnaître homme, peut-on s’en approprier le nom, et rejeter ou refuser ce qui est inséparable de son état ? ce serait être injuste et aveugle.

Cette question a été discutée avec autant de solidité que de goût, d’abord par Théophraste, et après lui par Xénocrate. L’un et l’autre condamnent à ce double titre ceux qui se prétendraient exempts de la loi commune. Le dernier les déclare même rebelles aux dieux : attentat énorme et presque intolérable dans quiconque tenant d’eux tout ce qu’il possède, la vie, l’intelligence, le pouvoir d’agir, ne saurait résister à leur volonté, qu’il ne semble comme les géants leur faire la guerre. Mais entre tous les philosophes qui, comme je l’ai dit, ont traité habilement cette matière, j’ai choisi Crantor pour guide[1] ; son petit livre sur le Deuil est d’un prix inestimable, et Panétius (2) le juge digne d’être appris mot à mot. Son auteur y a renfermé tous les remèdes contre la douleur ; il y a surtout exprimé avec tant de vérité et de précision les misères de cette vie, qu’il semble qu’elle ne nous ait été donnée que pour expier d’anciens crimes. En effet, représentez-vous l’homme au moment de sa naissance et lorsqu’il ouvre les yeux à la lumière : vous semblera-t-il que ce soit le maître et le dominateur de toutes choses, et non pas plutôt l’esclave de toutes les souffrances et de tous les maux ? Approchez-vous de son berceau, vous n’entendrez que des cris, vous ne verrez que des larmes ; ce n’est que

  1. Ce fragment, Crantorem sequor, est extrait de ce passage de la Préface de Pline : « Non Ciceroniana simplicitate, qui in libris de Republica Platonis se comitem profitetur ; in Consolatione de morte filiæ, Crantorem, inquit, sequor ; item Panætium de Officiis. Quæ volumina ejus ediscenda, non modo in manibus habenda quotidie, nosti.