Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/375

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bien pour tous tant que nous sommes, et nous pouvons la désirer même à ceux que nous aimons le plus. S’il en est parmi nous à qui il soit plus avantageux de mourir que de vivre, c’est principalement à ceux qu’une vie passée dans la pratique de la vertu a rendus illustres, et à qui la mort, après une assez longue existence, ne saurait être pénible. Mais à qui sert-il de naître ? partout des douleurs et des peines, point d’agrément, point de joie. Ces premiers cris, ces gémissements des enfants qui entrent dans la vie n’annoncent-ils pas leur destinée ? C’est la voix de la nature, cette bonne mère, qui ne fait rien d’inutile, et qui, dans ce qu’elle produit, nous offre des modèles admirables de tendresse, de justice et de prudence. On voit dès lors que le premier bien serait de ne point naître, de ne point tomber dans ces écueils de la vie ; et que le second, pour quiconque a pris naissance, est de mourir et d’échapper par une prompte retraite aux coups de la fortune.

Ce qu’on dit de Silène(5), s’il est permis de citer ces fables dans un discours sérieux, confirme cette vérité, qu’il enseigna à Midas qui l’avait fait son prisonnier, et qui en récompense le renvoya sans rançon. Je pourrais l’appuyer encore du témoignage d’Euripide, le plus sage des poètes ; mais écoutons Crantor : il nous apprendra qu’un père consterné de la mort de son fils reçut cette réponse dans le lieu où il avait évoqué son ombre : Votre fils est heureux, et le mieux qu’il eût pu vous arriver à vous-même serait d’avoir eu un semblable sort[1]. Si donc la mort est la fin de nos douleurs et le commencement d’une vie plus sûre et meilleure, si elle nous délivre des maux à venir, si elle remédie aux

  1. On trouve la réponse en vers, Tusculan., I, 48.