Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/383

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tel qui voit aujourd’hui les funérailles des siens, a dû y être préparé par une suite de malheurs dont il semble que le cercle enferme de toutes parts la nature humaine. Pourquoi donc cet homme qui a soutenu des assauts autant ou plus rudes, et qui devrait s’être aguerri et endurci au mal, demeure-t-il sans défense, et se laisse-t-il renverser au premier choc ? Cela est injuste, je le répète ; car il en est de la vie comme d’un dépôt dont on nous laisse l’usage sans nous avertir du jour où il nous sera retiré. La nature vous la redemande quand il lui plaît ; c’est son bien et votre convention : qu’avez-vous donc à lui imputer ? Et pourquoi, au contraire, ne lui.pas rendre grâces de ce qu’ayant pu revendiquer plus tôt ce bien, elle, vous en a laissé jouir, au lieu de la quereller injustement de ce qu’elle l’a repris ? N’est—il pas certain qu’elle ne nous a pas assigné ici-bas un domicile permanent, mais seulement un séjour borné, que nous devons être toujours prêts à quitter comme un mauvais gîte, pour nous élever avec la plus grande joie vers le ciel, notre unique patrie, ainsi que l’ont fait les vrais sages qui nous ont précédés sur la terre ? Convenons d’un fait : qu’est-ce qui trouble les mourants et leurs proches ? Le préjugé des avantages et des agréments de la vie, ou l’amour excessif de nous-mêmes. Mais un préjugé combattu par tant de raisons si fortes ne mérite pas qu’on s’y arrête ; et à l’égard de cette tendresse outrée, nous devrions d’autant plus volontiers y renoncer, qu’il est plus indécent à des hommes qui ont achevé le cours de leur vie de vouloir y demeurer malgré les dieux, de refuser la condition commune que tant de générations ont subie, et de joindre enfin à leur faiblesse tant d’impudence, que l’une se soutient par