Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/389

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de fâcheux de la part du temps, de la fortune ou de la nature. Elle est si courageuse, qu’elle peut braver toutes les injures ; si souple et si douce, qu’elle rend supportables toutes les amertumes ; en un mot, elle est si serviable et si généreuse, qu’elle s’étend et qu’elle se prête à tous nos besoins. Et c’est un soulagement qu’elle nous doit : connaissant comme elle fait nos misères dans leur plus grand détail, que deviendrions-nous si elle n’en arrêtait pas le cours, et si elle ne nous donnait pas aide ou conseil dans nos détresses ? qu’y aurait-il de plus accablant et de plus funeste que la vie ? à quoi nous servirait ce regard tourné vers le ciel, que nous a donné la nature pour contempler le bel ordre qui y règne, et afin que la majesté des dieux nous soit toujours présente ? à quoi bon aurions-nous reçu d’eux un esprit et une raison qui nous font connaître ce qui nous est utile et discerner l’honnête de ce qui est déshonorant, pour que nous puissions embrasser les choses justes et nous abstenir de celles qui ne le sont pas ? de quelle utilité nous seraient enfin la voix et la parole, qui n’ont été accordées à aucun des animaux, et par lesquelles nous commandons à tous les êtres vivants que la nature a répandus sur la terre ?

Tous ces dons seraient inutiles, si l’homme, accablé sous le poids de sa misère, ne pouvait se ranimer à la vue des choses célestes, par l’espérance de jouir de biens au-dessus desquels il n’y en a point. Mais, de même que nous avons contre le venin des serpents plusieurs sortes de contre-poisons, que le travail et l’industrie nous aident à repousser l’indigence, et que la honte nous sert de frein contre le mal moral, nous avons de même, dans le présent que les dieux nous ont fait de la philosophie, un remède assuré contre la