Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/393

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je partagerai avec vous ; car les maux, quelque grands qu’ils paraissent, ne sauraient être réputés tels par ceux que soutient l’espérance de plus grands biens près de leur arriver. Cependant, soit erreur, soit ignorance de notre part, jamais les biens ne nous font tant de plaisir que les maux nous font de peine. Nous travaillons, sans le vouloir, à augmenter ceux-ci ; et au lieu d’en faire autant des autres, en les possédant, en y arrêtant nos pensées, en nous excitant à la joie, nous les affaiblissons par je ne sais quel sentiment contraire à la nature. Examinons les choses dans leurs principes : d’où nous vient cet éloignement pour la douleur et pour l’adversité, qui donnent l’être et la consistance à la force d’esprit, et sans lesquelles cette vertu n’existerait pas ? D’où procède encore cette frayeur de la mort, dont la pensée est d’ailleurs si propre à nous rendre meilleurs et à nous détourner de toute affection capable de souiller notre réputation de quelque tache d’intempérance ou d’injustice ? Pourquoi, d’un autre côté, avons-nous un appétit si désordonné pour ce que le vulgaire appelle biens, qui le plus souvent nous amollissent, nous corrompent, et qui, par l’excès du plaisir dont ils nous enivrent, nous font presque oublier que la mort est voisine ? Platon, le premier et le maître des philosophes, a raison de traiter de songes les objets des désirs ou des répugnances de nos sens, et de prononcer en conséquence qu’ils ne sont dignes que de mépris ; que, pour éviter les maux de cette vie, il faut diriger sa course vers l’éternité, et que, faute de prendre cette route, on ne se garantira point de l’infortune. Mais on ne peut arriver à l’éternité que la mort n’en ouvre la porte, et qu’elle ne marche devant. Quelle conséquence tirerons-nous de là ? Que la