Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/403

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l’histoire nous apprendrait que la femme d’Asdrubal(11), voyant Carthage au pouvoir des Romains, pour ne pas survivre à sa patrie, se précipita avec ses trois enfants dans les flammes qui commençaient à ravager cette ville. Laissons à part ces événements fameux qui ne sont ignorés de personne, et confessons ingénument que la misère de la nature humaine est si grande, que, ni les hommes dans leur universalité, ni aucun d’eux en particulier, n’en sont exempts.

C’est là ce qui doit rendre plus surprenant encore, que les hommes eux-mêmes, comme si ce n’était pas assez des misères auxquelles leur nature est sujette, travaillent autant qu’il est en eux à se rendre plus misérables. En effet, cherchez, tant que vous voudrez, dans toute cette vaste étendue de la terre, parmi cette multitude d’animaux qui l’habitent, vous ne trouverez que l’homme qui exerce sa cruauté contre son espèce. Aussi Dicéarque(12), dans l’ample et savant Traité qu’il a publié sur la destruction de l’espèce humaine, n’hésite pas à mettre en fait qu’il a péri un plus grand nombre d’hommes par la barbarie et la dureté de leurs semblables, que par aucun autre genre de mort. La plupart sont si avares, si ambitieux, si despotiques, si insatiables de richesses, qu’il n’est rien qu’ils ne se permettent pour satisfaire leur cupidité ; et ce désordre n’a plus de bornes. Dès le siècle qui nous a précédés, on l’a vu rompre sa digue, et se répandre au loin ; il n’a pas seulement coûté la vie à quantité d’hommes, il a souvent renversé des royaumes et détruit, de fond en comble, des républiques entières. Passez du général au particulier ; ne considérez qu’un seul individu ; vous ne découvrirez rien en lui qui puisse vous faire envier son sort, ou dont vous puissiez être content. Livrez