Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/435

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Comment a-t-il pu, se demande-t-on, prononcer ces paroles sans être arrêté par les larmes, ou concevoir ces pensées sans mourir de douleur ? Ce qui nous étonne le plus dans ce même discours, c’est qu’il ne suit pas la marche accoutumée, et ne s’engage pas dans des lieux communs qui fassent diversion à sa douleur : il s’attache à son sujet, qui est de louer son fils et d’en relever le mérite ; et c’est ce qu’il fait dans le plus grand détail sans craindre d’irriter le cruel sentiment de sa perte. Il n’y a rien de si extraordinaire ni de si remarquable par la vigueur du courage dans l’exemple d’Horatius Pulvillus(23), que je n’ai garde néanmoins de passer sous silence, ne fût-ce que par la raison du bonheur qu’il eut de faire agréer à Jupiter la généreuse égalité d’âme avec laquelle il reçut la nouvelle de la mort de son fils, au moment où il faisait, en qualité de pontife, la dédicace du temple de ce maître des dieux. Lorsqu’elle lui fut annoncée, il proférait les paroles solennelles et propres à cette consécration, en tenant, selon l’usage, un des jambages de la porte de cet édifice. Il ne retira point sa main, ce qui aurait annulé la cérémonie ; il ne cessa point d’avoir les yeux fixés sur les assistants, pour ne point paraître plus occupé de sa douleur que de l’utilité et du salut du peuple. Qu’avons-nous encore de plus distingué et de plus éclatant par sa vertu que L. Paullus(24) ? La mort de deux fils qui lui furent enlevés en très peu de jours ne lui arracha presque aucune plainte ; que dis-je ? dans le discours qu’il fit au peuple en lui rendant compte de ses derniers exploits, il lui témoigna sa joie de ce que les dieux avaient détourné sur sa famille les fléaux dont Rome était menacée. On ne saurait nier que Sulpicius Gallus(25) n’ait aussi mérité beaucoup de