Page:Cicéron - Œuvres complètes, Lefèvre, 1821, tome 28.djvu/469

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alors elles vivent véritablement ; alors elles ne sont plus asservies aux passions, à la volupté, à la douleur ; alors, maîtresses d’elles-mêmes, elles ne s’inquiètent de rien, ne désirent rien, et commandent à tout. On a donc eu grande raison de dire que nos corps étaient formés de la terre, et nos esprits d’un feu pris dans le ciel ; et c’est ce que nous confirment la vie vertueuse et les nobles actions des hommes illustres. En effet, comment mépriseraient-ils tous les avantages de ce monde ? comment compteraient-ils pour rien les plaisirs ? comment enfin se mettraient-ils au hasard de perdre la vie pour l’amour de la gloire et de la vertu, s’ils ne se proposaient pas d’autres prix que ces récompenses matérielles, qu’ils touchent de leurs mains et qu’ils foulent aux pieds ? Mais il n’en est pas ainsi : le corps tiré de la terre n’a, jusqu’à ce qu’il y retourne, d’affection que pour les choses terrestres ; l’âme, qui a été prise dans le ciel, aspire à je ne sais quoi de céleste qui ne doit point finir ; elle ne se renferme point dans les mêmes bornes que le corps ; et c’est pour cela même qu’il ne faut pas penser qu’elle puisse jamais être à son aise et vivre véritablement, tant que, prisonnière dans un corps mortel et souillé, elle y sera en quelque sorte retenue malgré elle. De quel prix est pour elle d’être délivrée des travaux de cette vie, si rudes et si pénibles ; de ne plus sentir les douleurs les plus aiguës, les chagrins les plus cuisants, et de revenir après sa captivité à un lieu plein de douceurs et de délices ? car c’est à ces notions que je rapporte ce que plusieurs philosophes ont débité au sujet du repos et du bonheur dont on dit que les âmes des justes jouissent au sortir de ce monde. Ces philosophes ayant compris que les hommes n’avaient été ni semés ni créés fortuitement et à l’a-