Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/110

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IXXXVUJ tiere’, et prenant sa barbe avec la main gau- che, comme il avoit accoustumé, regarda fran- chement les meurtriers au isage, ayant les cheveux et la barbe tout hérissez et poul- dreux , et le visage desfaict et cousu pour les ennuis qu’il avoit supportez , de manière que plusieurs des assistens se bouchèrent les yeux pendant que Herennius le saerilioit : si tendit le col hors de sa littiere, estant aagé de soixante et quatre ans% et luy fut la teste couppée par • On a prétendu qu’il lisait alors, dans sa litière, la Médée d’Euripide Ptolém. Héphest. , lib. v, Var. Hist. op. Phot. ’ En rassemblant tous les traits sous lesquels Cicéron nous est représenté par les anciens , on trouve qu’il avait la taille haute mais menue, le cou assez lonii, le visage mâle , et les traits régu- liers ; l’air SI ouvert et si plein de sérénité, qu’il u»si)irait tout à la fois l’amour et le respect. Son tempérament était faible , mais il l’avait fortifié si heureusement jiar la frugalité, qu’il l’avait rendu capable de toutes les fatigues d’une vie fort labo- rieuse et de la plus constante applicaîionà l’étude. La santé et la vigueur étaient devenues sa dispo- sition habituelle. Le soin qu’il prenait pour les conserver était de se baigner souvent , de se faire frotter le corps, et de prendre chaque jour, dans son jardin, l’exercice d’une courte promenade, où il se rafraîchissait la voix. Dans la belle saison, il s’était accoutumé à visiter régulièrement toutes les maisons qu’il avait dans différentes parties de l’Italie. IMais le principal fondement de sa santé étaitla tempérance.— Dans les habits et la parure, il observait ce qu’il a prescrit dans son traité des 0// ?ce.s, c’est-à-dire, toute la modestie , toute la décence qui convenait à son caractère et à son rang. Il aimait la propreté sans affectation. Il évitait avec soin les singularités, également éloigné de la négligence grossière et de la délicatesse ex- cessive. L’une et l’autre ,, en effet, .sont également contraires à la véritable dignité : l’une suppose qu’on l’ignore ou qu’on la méprise ; l’autre qu’on y prétend pardes voies puériles.— Rien n’était plus fait pour plaire que sa conduiteet ses manières dans sa vie domestique et dans ta société de ses amis. C’était un père indulgent , un ami zélé et sincère,

maître sensihSe et généreux. Sa bonté s’éten- 

dait, dans une juste proportion , jusqu’à ses es- claves, lorsque leur fidélité et leurs services avaient méiité quelque part à son affection. On le remarque surtout dans l’exemple de Tiron. — Il avait les plus sublimes notions de l’amitié. L’ou- vrage qu’il nous a laissé sur cette matière ne con- tient point de règles et de maximes qu’il ne pra- tiquât continuellement. Dans cette variété de liaisons où l’éminence de son rang et la nudtitude de ses relations l’avaient engagé, jamais on ne l’accusa d’avoir manqué de droiture ou de cons- tance , ou même de zèle et de chaleur pour le moindre de ceux à qui il avait une fois accordé le VIE DE CICERON, le commandement d’Antonius , avec les denx mains’, desquelles il avoit escrit les oraisons titre d’amis , et dont il estimait le caractère. Il faisait ses délices de servir à l’avancement de leur fortune , et de les secourir dans l’adversité. L’o- pinion qu’on avait à Rome de son zèle pour ses amis, était telle, que l’un d’eux , pour s’excuser de l’importunité avec laquelle il lui demandait quelque faveur, lui faisait ob.server à lui-même « qu’il avait accoutumé ses amis , non à le prier, mais à lui ordonner familièrement de leur i-endre service. » — Le moindre témoignage de regret et de soumission de la part de ses ennemis lui faisait perdre le souvenir des plus cruelles injures. Quoi- que le pouvoir et l’occasion ne lui manquassent point pour se venger, c’était assez pour lui d’avoir cette certitude, pour qu’il cherchât des raisons de pardonner. Jamais il ne rejeta des offres de ré- conciliation , de la part même de ses plus mortels ennemis ; l’histoire de sa vie est remplie de ces exenq)les,etc’était une de ses maximes ordinaires, «• que les haines devraient être passagères , et- les amitiés immortelles. » — L’état de sa maison ré- pondait par sa splendeur à la dignité de son ca- ractère. Sa porte était ouverte aux étrangers qui lui paraissaient dignes de quelque distinction par leur mérite, et à tous les philosophes de l’Asie et de la Grèce. Il en avait constamment plusieurs au])rès de lui qui faisaient partie de sa famille, et qui lui furent attachés dans cette familiarité pen- dant toute sa vie. Ses appartements étaient rem- plis le matin d’une multitude de citoyens qui se faisaient honneur de venir le saluer, et Pompée même ne dédaigna pas de se faire voir quelquefoii» dans cette foule. La plupart y venaient non-seu- lement pour lui rendre un devoir de politesse, mais pour l’accompagner ensuite au sénat et au forum , où ils attendaient la fin des délibérations pour le reconduire jusqu’à sa maison. Les jours où l’intérêt public ne l’appelait pas hors de chez lui, son usage, après les visites du matin , qui finissaient ordinairement avant dix bernes, était de se retirer dans sa bibliothèque , et de s’y tenir renfermé , sans mêler d’autre amusement à ses occupations que l’entretien et les caresses de ses enfants, qu’il y recevait dans quelques intervalles de loisir. — Son principal repas était le souper, suivant l’usage de ce siècle, où les grands aimaient à voir leurs amis rassemhlés à leur table , et pro- longeaient ces nnmtons as.sez avant dans la nuit , ce qui n’empêchait point Cicéron de sortir régu- lièrement du lit avant le jour, quoiqu’il ne dormît jamais à midi, suivant l’hahitude que tout le monde observait à Rome, et qui s’y est conser- vée depuis. Dans ces réunions , il anunait ses convives par les charmes de son esprit, natu- rellement enjoué , et même un peu tourné à la raillerie. Ce talent lui avait été. fort utile au har«  reau pour réprimer l’insolence de ses adversaires, ’ Le texte dit : la main, xoà Tr,v ’/jXf^a..