Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/168

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sa jeunesse que des maîtres de cette nation ; il était donc tout naturel qu’il leur empruntai dans ses premiers essais la forme de leurs compositions et qu’il en reproduisit tous les vices. De plus, c’est dans leur langue qu’il s’exerçait le plus souvent (Brutus, chap. 90) de là un penchant presque irrésistible à transporter dans sa langue maternelle les formes propres de sa langue adoptive. C’est ainsi que s’expliquent les fréquents hellénismes qui se rencontrent dans la Rhétorique. Au reste nous n’accordons à personne que cet essai soit indigne de Cicéron. Les défauts, qui tiennent à une imitation un peu trop servile de ses maîtres, sont rachetés par une élocution généralement simple, facile, harmonieuse ; par des mouvements et une vivacité de tour qui sont déjà d’un grand écrivain. On sent dans cette facilité à tout exprimer, l’homme auquel il sera donné plus tard de déployer toutes les richesses de la langue latine arrivée à son point de perfection ; de même que, selon la remarque de M. Leclerc, on reconnaît avec intérêt dans les amplifications du quatrième livre, si riches de sentiments, de pensées et d’images, les premières traces de ce grand art qui devait un jour le faire régner sur un peuple libre.

Mais l’autorité la plus incontestable peut-être, et celle à laquelle on a le moins songé, c’est Cicéron lui-même «’est fauteur non contesté de l’Invention qui ne paraît être qu’une nouvelle édition de la Rhétorique à Hérennius. Ou ces deux ouvrages appartiennent au même auteur, ou le dernier venu n’a fait que copier l’autre ; or, comme il est hors de doute que les livres à Hérennius ont précédé ceux de l’Invention, il faut admettre que le plus fécond des écrivains romains a commencé par n’être qu’un plagiaire, ou que, de son droit d’auteur, en même temps qu’il s’est corrigé il s’est quelquefois copié lui-même. Entre autres preuves frappantes, que l’Invention n’est qu’une seconde édition, ou un développement de la Rhétorique, nous ne citerons que le passage de ce dernier ouvrage où l’auteur se félicite (liv. I, chap. 9) d’avoir distingué le premier les trois circonstances où l’on doit employer l’exorde par insinuation. Ouvrez le premier livre de l’Invention cette distinction s’y trouve reproduite dans les mêmes termes. Il faut donc bien reconnaître qu’il n’y a qu’un seul auteur, mais à deux époques distinctes de sa vie, et qu’un seul ouvrage, mais sous deux formes différentes. Ce que Cicéron avait fait pour la rhétorique, il le fit également pour les Académiques, et on a été longtemps sans distinguer en quoi diffèrent les deux éditions qui se succédèrent.

Concluons donc de ces courtes observations, qu’il faut laisser à Cicéron, quelque indifférent que cela puisse être pour sa gloire, un ouvrage qu’une saine critique ne saurait lui disputer sans injustice.

Au reste, s’il est très vrai que ce traité pourrait être retranché du corps de ses œuvres sans que la grandeur en fût diminuée la Rhétorique à Hérennius est loin d’être un ouvrage sans importance historique. C’est un monument curieux de l’abus que peut faire l’esprit humain de ce qu’il a imaginé lui-même pour se retenir et se renfermer dans le simple et véritable usage des choses, nous voulons dire les règles et la méthode. Sous ce rapport non moins que par le détail, souvent exagéré mais plus souvent exact, des ressources infinies de l’esprit se manifestant par la parole, la Rhétorique à Hérennius mérite d’être lue avec attention, et ne saurait être étudiée sans fruit.


ARGUMENTS.


LIVRE PREMIER.

Après une courte préface, l’auteur expose les trois genres sur lesquels s’exerce l’éloquence, et il distingue les qualités nécessaires à l’orateur il exige de lui l’invention, l’art de la disposition, l’élocution, la mémoire, la prononciation, il consacre ce premier Livre à I’INVENTION en général ; et d’abord, il parle de l’exorde, depuis le chapitre III jusqu’au chapitre VII ; il traite de la narration dans les chapitres VIII et IX, et de la division au chapitre X ; il s’occupe ensuite de la confirmation et de la réfutation et comme elles dépendent de l’état de la cause, il établit, jusqu’au chapitre XVII, les principes des trois états de causes ou questions, savoir la question conjecturale, ou question de fait ; la question de droit, et la question juridiciaire.


LIVRE SECOND.

Après avoir rappelé succinctement ce qu’il a dit, et annoncé ce qu’il va dire, l’auteur considère particulièrement l’invention dans le genre judiciaire. Comme ce genre embrasse les trois différents états de questions la question de fait, la question de droit, et la question judiciaire ; qu’il en avait expliqué la nature et les divisions dans le Livre Ier, et qu’il avait montré le moyen de reconnaître le point à juger (τὸ κρινόμενον) quand l’orateur connaissait l’état de la cause et les preuves qui viennent à l’appui ; il enseigne maintenant la manière de traiter chacune de ces questions selon les règles de l’art. Il développe avec beaucoup d’étendue, depuis le chapitre Il jusqu’au chapitre IX, ce qu’on entend par question de fait. Il donne des préceptes sur la narration judiciaire, sur la probabilité, les rapports, les indices, les suites, les preuves simples, les preuves confirmatives. Ensuite, depuis le chapitre IX jusqu’au chapitre XIII, il trace la conduite que doit tenir l’orateur en traitant la question de droit, lorsque le sens d’une loi ou d’un écrit donne lieu à la controverse. Enfin, depuis le chapitre XIII jusqu’au chapitre XVIII, il expose les moyens dont il faut faire usage dans les deux espèces de question judiciaire, et surtout ceux de la question judiciaire accessoire, l’alternative, la récrimination, l’aveu, la déprécation, le recours. Après ces développements il indique la manière de fortifier les preuves, et distingue dans l’argumentation l’exposition, les raisons, les raisons confirmatives, les ornements des preuves la conclusion dont il nous apprend à connaître les qualités et les défauts. Ces règles sont la matière de tous les chapitres, depuis le dix-huitième jusqu’au dernier. L’auteur termine ainsi les préceptes particuliers qu’il avait promis sur l’invention dans le genre judiciaire, et il remet les deux autres genres au Livre suivant.


LIVRE TROISIÈME.

L’auteur parle, comme il l’avait promis, de l’invention, dans le genre délibératif et dans le genre démonstratif. Il enseigne, depuis le chapitre II jusqu’au chapitre VI, quelles s sont les preuves dont il faut se servir pour persuader une chose, ou pour en dissuader. Il découvre ensuite, chapitres VI VII et VIII, quelles sont les sources de la louange et du blâme. Après avoir termine ainsi la première partie de l’art l’invention, il passe aux autres devoirs de l’orateur. Par les règles de la Disposition il lui apprend à distribuer le sujet, il établit l’ordre des preuves ; c’est la matière des chapitres IX et X. Il remet l’élocution au quatrième Livre, et les chapitres XI, XII, XIII, XIV et XV, ont pour objet la PRONONCIATION, c’est-à-dire la voix, la physionomie et le geste de l’orateur. Les derniers chapitres, qui sont surtout dignes de remarque, renferment des préceptes sur la Mnémonique, ou l’art de la Mémoire, propre à fortifier et à augmenter la mémoire naturelle. L’auteur enseigne la manière de trouver