Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/171

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sujet. Si nous y renonçons, il sera nécessaire de faire valoir, en commençant, une loi, un écrit, ou quelque autre circonstance capable d’offrir à notre cause l’appui d’un argument irrésistible. Puisque nous voulons captiver l’intérêt, la bienveillance et l’attention de l’auditeur, nous allons indiquer les moyens d’y parvenir. Nous pourrons captiver son intérêt, si nous savons exposer rapidement le fond de la cause, et fixer son attention ; car c’est nous témoigner de l’intérêt que de consentir à nous écouter. Nous commanderons l’attention en promettant de parler de choses importantes, nouvelles, extraordinaires, ou de faits qui regardent l’Etat ou l’auditoire lui-même, ou bien le culte des dieux immortels, en priant que l’on nous écoute avec soin, et en faisant l’énumération des points que nous allons traiter. Quant à la bienveillance, il y a quatre moyens de se la concilier, c’est de parler, ou de soi, ou de ses adversaires, ou de ses auditeurs, ou de la cause elle-même.

V. Pour attirer la bienveillance en parlant de nous-même, nous ferons un éloge modeste de nos services ; nous rappellerons notre conduite envers la république, envers nos parents, nos amis ou ceux même qui nous écoutent, pourvu que tous ces souvenirs se lient à notre cause. Nous pourrons tracer aussi le tableau de nos disgrâces, de nos besoins, de notre abandon, de nos malheurs ; supplier les auditeurs de nous prêter secours, en leur témoignant que nous n’avons pas voulu placer en d’autres nos espérances. Nous obtiendrons la bienveillance en parlant de nos adversaires, lorsque nous en ferons des objets de haine, d’envie ou de mépris : de haine, en signalant dans leur conduite quelque trait d’infamie, d’orgueil, de perfidie, de cruauté, de présomption, de malice, de perversité, d’envie ; en produisant au grand jour leur violence, leur tyrannie, leurs intrigues, leur opulence, leurs dérèglements, l’abus qu’ils font de leur noblesse, le nombre de leurs clients, de leurs hôtes, leurs liaisons, leurs alliances, et en prouvant qu’ils mettent plus de confiance dans ces avantages que dans la justice de leur cause ; enfin, de mépris, en dévoilant leur ignorance, leur lâcheté, leur mollesse, leurs excès. On pourra se concilier la bienveillance en parlant des auditeurs, par l’éloge du courage, de la sagesse, de la douceur, de l’éclat de leurs jugements ; par la considération de l’estime qu’ils vont mériter, de l’attente qu’ils doivent remplir. Le sujet lui-même appellera la bienveillance, quand nous exalterons la bonté de notre propre cause en méprisant celle de nos adversaires.

VI. Nous allons traiter à présent de l’exorde par insinuation. Il y a trois circonstances où l’on ne peut user du début simple ; il faut les examiner avec soin : c’est lorsque nous plaidons une cause honteuse, c’est-à-dire propre à indisposer contre nous ceux qui nous écoutent, ou bien lorsque les raisons présentées par nos adversaires semblent assez fortes pour porter la conviction