Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/186

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suite a bien le droit de le faire ; s’il ne fallait pas prendre une marche différente, choisir un autre temps, un autre lieu ; si l’affaire ne devait pas être intentée ou suivie en vertu d’une autre loi. Ici les moyens se puiseront dans les lois, dans les mœurs, dans le bon droit ; j’en parlerai dans la cause judiciaire absolue. Dans une cause où l’on s’appuie sur l’analogie, on recherchera d’abord les dispositions écrites ou les arrêts rendus dans des causes d’une importance ou plus grande, ou moindre, ou tout à fait égale. Ensuite, si le fait est semblable à celui dont il s’agit, ou s’il en diffère ; si l’absence d’un texte qui y soit applicable n’est pas calculée, parce qu’on n’aura pas voulu le prévoir, ou parce qu’on aura pensé l’avoir prévu en s’expliquant sur des textes analogues. Je me suis assez étendu sur les divisions de la question de droit ; je reviens maintenant à la question judiciaire.

XIII. On se sert de la question judiciaire absolue, lorsqu’on soutient la justice d’une action dont on se reconnaît l’auteur, sans recourir à aucun moyen accessoire. Dans ce cas, il faut examiner si l’on était fondé en droit : ce que l’on pourra faire, une fois la cause établie, si l’on connaît les sources du droit. Or le droit dérive de la nature, de la loi, de l’usage, des jugements, de l’équité, des conventions. Le droit naturel a pour base les liens du sang ou du respect ; c’est la nature qui établit entre les pères et les enfants un culte d’affection réciproque. Le droit fondé sur la loi, est celui que sanctionne la volonté du peuple ; ainsi la loi vous force à comparaître devant elle quand vous êtes assigné. Le droit résulte de l’usage, lorsqu’en l’absence de toute loi, la coutume le consacre jusqu’à le rendre légitime : par exemple, si vous avez porté des fonds à un banquier, vous pouvez les réclamer à son associé. Il résulte de jugements, lorsqu’il est intervenu, sur la même question, une sentence ou un décret. Mais il y en a qui se contredisent, suivant les décisions opposées d’un juge, d’un préteur, d’un consul ou d’un tribun ; car il arrive que, dans un même cas, l’un a prononcé d’une manière contraire à l’autre ; par exemple « M. Drusus, préteur de la ville, autorisa l’action intentée contre un héritier en vertu d’un mandat ; S. Julius la refusa. Le juge Célius renvoya absous le comédien qui avait injurieusement nommé sur la scène le poète Lucilius, et P. Mucius condamna celui qui en avait fait autant pour le poète Accius. » Ainsi donc, puisqu’on peut produire deux jugements contradictoires sur une même affaire, il faut, lorsque ce cas se présente, comparer ensemble les juges, les temps, le nombre des sentences. Le droit dérive de l’équité, lorsqu’il paraît basé sur la vérité et l’utilité communes. Par exemple : « un homme âgé de plus de soixante ans, et malade, peut comparaître par procureur. » On peut même établir de là une nouvelle espèce de droit, suivant les circonstances et la dignité de la personne. Le droit s’établit par un