Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’une comme dans l’autre opinion des philosophes, il a pu arriver que celui qui était roi devînt mendiant.

XXIV. Une raison est faible, lorsque paraissant s’offrir à ce titre, elle ne fait que répéter ce qui a été dit dans l’exposition. Par exemple : « L’avarice cause de grands maux à l’homme, parce que le désir sans bornes des richesses, lui fait subir de cruels et de nombreux inconvénients. » Car ici la raison ne fait que reproduire en d’autres termes ce qui a été énoncé dans l’exposition. La raison est faible aussi, quand elle ne prête à l’exposition qu’un appui plus faible que celui dont elle a besoin ; par exemple : « La sagesse est utile, parce que ceux qui la possèdent, pratiquent ordinairement la piété. » Ou bien : « Il est utile d’avoir de vrais amis, car « c’est le moyen d’avoir avec qui plaisanter. » Car, dans ce cas, l’exposition s’appuie sur une raison qui n’est ni générale, ni absolue, mais qui l’affaiblit. La raison est faible également, quand elle peut convenir à une autre exposition, comme dans l’exemple de Pacuvius qui prouve, par une seule et même raison, que la fortune est aveugle et qu’elle est sans discernement.

Dans la confirmation des raisons, il y a un grand nombre de défauts que nous devons éviter pour nous-mêmes, et découvrir dans nos adversaires ; observation qui demande d’autant plus de soin, qu’une confirmation bien travaillée forme le plus solide appui de l’argumentation. Aussi les auteurs laborieux, pour appuyer leurs raisons, se servent-ils du dilemme, comme dans cet exemple :

Vous me traitez, ô mon père, avec une rigueur que je ne mérite pas ; car si vous aviez jugé Cresphonte un méchant homme, pourquoi me le donniez-vous pour époux ? Si c’est, au contraire, un homme de bien, pourquoi me forcer, contre ses vœux et les miens, de m’en séparer ?

Cette argumentation se réfute, soit en la retournant tout entière, soit en en combattant une partie. En la retournant, quand on dit, par exemple : Je ne commets, ma fille, aucune injustice à ton égard. Si Cresphonte est vertueux, j’ai dû te le donner pour époux ; s’il ne l’est pas, je t’arrache, par le divorce, aux malheurs qui te menacent. En combattant une partie, quand on ne repousse que l’une des deux conclusions, par exemple :

Si vous avez jugé Cresphonte un méchant homme, pourquoi me le donniez-vous pour époux ? — Je l’ai cru plein de probité ; je inc suis trompé, je l’ai reconnu plus tard, et je m’éloigne de lui.

La réfutation de cet argument est donc de deux espèces : la première est plus piquante ; la seconde est plus facile à trouver.

XXV. La confirmation des preuves est défectueuse, lorsqu’on donne pour le signe certain d’une chose ce qui peut en indiquer plusieurs autres ; ainsi : « Il faut nécessairement qu’il ait été malade, puisqu’il est pâle. Cette femme a certainement accouché, puisqu’elle tient un nouveau-né dans ses bras. » Car, ces signes n’ont rien de certain en eux-mêmes, si d’autres, de même nature, ne concourent avec eux ; s’ils s’y joignent, ils ne laissent pas que de donner quelque poids à la conjecture. C’est encore un défaut d’avancer contre l’adversaire une chose