Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/239

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heurs. » Cette figure est propre à faire naître l’indignation on la pitié, lorsque toutes les suites d’un fait, ainsi rassemblées, forment une peinture frappante et rapide.

XL. La Division, séparant une pensée d’une autre, les complète toutes deux par la réponse qu’elle y joint ; par exemple : « Pourquoi vous adresserais-je maintenant des reproches ? si vous êtes un homme de bien, vous ne les avez pas mérités ; si vous êtes un méchant, vous y serez insensible. — À quoi bon vous faire aujourd’hui valoir mes services ? si vous vous les rappelez, ce récit vous fatiguerait ; si vous les avez oubliés, mes paroles auront-elles plus d’effet que mes actions ? — Deux choses peuvent pousser les hommes à chercher des gains illégitimes ; la misère et l’avarice. Vous vous êtes fait connaître pour un avare dans votre partage avec votre frère, et nous vous voyons maintenant dans le dénuement et l’indigence. Comment donc nous prouver qu’il n’y avait pour vous aucun motif de commettre le crime ? » Il faut distinguer cette division de celle qui forme la troisième partie de la composition oratoire, et dont nous avons parlé dans le premier Livre à la suite de la narration. L’une fait l’énumération ou l’exposition des choses qui doivent entrer dans le discours ; l’autre se développe à l’instant, et en détachant du discours deux ou plusieurs parties dont elle tire la conclusion, elle remplit le rôle d’une figure d’ornement.

L’Accumulation rassemble les arguments épars dans toute la cause, pour donner plus de poids, plus de véhémence à l’accusation, et la rendre plus accablante. Ainsi : « De quel vice est-il exempt ? Pour quel motif, juges, voudriez-vous l’absoudre ? Il a trahi son propre honneur et porté atteinte à celui des autres ; nous l’avons vu avide, intempérant, audacieux, superbe ; impie envers ses parents, ingrat envers ses amis, dédaigneux pour ses égaux, cruel avec ses inférieurs, insupportable enfin à tout le monde ! »

XLI. Il y a une accumulation du même genre, très utile dans les questions de fait, au moyen de laquelle on rapproche des soupçons qui, séparés, sont légers et faibles ; rassemblés, rendent le fait non plus douteux, mais évident. Par exemple : « Veuillez, juges, veuillez considérer, non pas séparément, les indices dont j’ai parlé, mais les réunir et n’en former qu’un faisceau ; vous y trouverez la preuve que l’accusé trouvait un avantage à la mort de cet homme ; que sa vie est pleine d’infamies, qu’il aime l’argent, qu’il a dissipé son patrimoine, et que ce crime n’a pu profiter qu’à lui seul ; que personne ne pouvait le commettre aussi facilement, et que lui-même ne pouvait s’y prendre d’une façon plus propre à le faire réussir ; qu’il n’a rien oublié de ce qui pouvait être nécessaire pour un assassinat ; qu’il n’a rien fait de ce qui n’y pouvait pas servir ; le lieu était le mieux choisi pour l’attaque ; l’occasion la plus favorable, le moment le plus propice, le temps le plus long qu’il a fallu. Il avait l’espoir le plus fondé d’exé-