Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/244

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sa taille le distinguent encore. Au milieu de l’attente excitée par tout cet appareil, dans le profond silence qui s’est fait tout à coup, s’il arrive que cet homme ne fait entendre qu’une voix criarde, accompagnée du geste le plus trivial, il sera chassé avec d’autant plus de dérision et de mépris, qu’il avait affiché plus d’éclat et causé plus d’impatience. De même, si un homme d’une haute naissance, d’une opulence extrême, comblé de tous les dons de la fortune et de tous les avantages de la nature, a négligé la vertu et les arts qui en tracent la route ; plus la possession de tant de brillants avantages l’aura rendu célèbre, et aura fait naître l’attente, plus il sera couvert de ridicule et de mépris, et chassé honteusement de la société des gens de bien. » Ce genre de similitude, en nous présentant le parallèle ainsi détaillé de l’ignorance de l’un, et de la sottise de l’autre, met la chose sous les yeux de tout le monde. On la nomme similitude de détails, parce que, la comparaison une fois établie, toutes les parties se correspondent.

XLVIII. Dans les similitudes, il faut avoir grand soin de n’employer que les termes les plus propres à bien faire ressortir, par leur ressemblance, la conformité de l’objet pris pour terme de comparaison, avec celui qu’on y veut rapporter. Par exemple : « De même que les hirondelles nous arrivent avec la belle saison, et s’envolent aux atteintes du froid ; » nous suivons la même figure et nous disons par métaphore : « ainsi les faux amis nous arrivent quand le ciel est serein, et s’envolent tous au premier souffle rigoureux de la fortune. » Il sera facile à l’orateur de trouver des similitudes, si son imagination se représente souvent les êtres animés et inanimés, muets et doués de la parole, féroces et apprivoisés ; tout ce qui peuple la terre, le ciel et les eaux ; les ouvrages de l’homme, du hasard, de la nature ; ce qui est ordinaire ou merveilleux : s’il cherche dans tout cela des similitudes qui puissent rendre la pensée plus élégante, plus instructive, plus frappante, la mettre enfin sous les yeux. Il n’est pas nécessaire en effet que la similitude s’étende à toutes les parties d’un objet ; il suffit qu’elle soit exacte au point de vue qu’on choisit.

XLIX. L’Exemple est l’exposition d’un fait ou d’une parole dont on peut nommer l’auteur véritable. On l’emploie par les mêmes motifs que la similitude. Il orne la pensée, lorsqu’on ne veut pas le faire servir à autre chose qu’à l’élégance. Il la rend plus claire, en ce qu’il jette plus de jour sur ce qui était obscur : plus probable, en ce qu’il ajoute à la vraisemblance ; enfin il met la chose devant les yeux, parce qu’il en exprime les circonstances avec tant de clarté, qu’il la fait, pour ainsi dire, toucher au doigt. Nous aurions accompagné cette définition d’un exemple de chaque espèce, si nous n’avions déjà fait voir, à propos de l’exposition, en quoi consiste l’exemple, et indiqué, dans la similitude, quels sont les motifs qui le doivent faire employer. Nous n’avons donc voulu cette fois, ni en dire trop peu, dans la crainte de n’être pas compris, ni nous y étendre plus longuement, l’ayant fait assez comprendre.

L’Image est le rapport d’un objet avec un autre, exprimé par une espèce de similitude. On s’en sert pour l’éloge, ou pour le blâme. Pour l’éloge, comme dans cet exemple : « Il marchait au combat, avec la force du taureau le plus