Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/278

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suit que l’univers est gouverné par une secrète sagesse. » C’est ainsi que les rhéteurs dont je viens d’exprimer l’opinion croient devoir donner cinq parties à l’épichérème.

XXXV. Ceux, au contraire, qui n’en comptent que trois, ne suivent point une marche différente dans leur argument, mais seulement dans leur division. Ils ne veulent point qu’on sépare la proposition et l’assomption de leur preuve. Si on les sépare, ces deux parties, selon eux, seront incomplètes. Ainsi, ce que les autres divisent en proposition et en preuve, ils n’en forment qu’un seul tout ; c’est la proposition. Si cette proposition n’est point prouvée, ce ne peut pas être la proposition d’une argumentation régulière. Il en est de même pour l’assomption et sa preuve, que les premiers rhéteurs ont soin de distinguer, mais que ceux-ci appellent seulement assomption. C’est ainsi qu’ils divisent le même argument, les uns en trois, les autres en cinq parties : aussi la différence se fait-elle moins sentir dans la pratique que dans la théorie.

Pour moi, la division en cinq parties, suivie par tous les disciples d’Aristote et de Théophraste, me semble préférable ; car si l’école de Socrate avait adopté la première manière d’argumenter, qui procède par induction, Aristote, les péripatéticiens et Théophraste donnaient la préférence à l’épichérème ; et c’est aussi là le système suivi par les rhéteurs les plus subtils et les plus versés dans la connaissance de leur art.

Mais il faut justifier le choix que nous faisons ici, afin d’éviter le reproche d’une prédilection aveugle, et le justifier en peu de mots, pour ne pas nous arrêter sur de pareils détails plus longtemps que ne l’exige l’ordre de nos préceptes.

XXXVI. S’il est des arguments où il suffit d’établir la proposition, sans qu’il soit nécessaire d’y joindre la preuve, il en est d’autres où la proposition n’a de force qu’autant qu’elle est soutenue par la preuve. La proposition et la preuve sont donc deux choses différentes ; car un accessoire qu’on peut ajouter ou retrancher ne saurait être la même chose que l’objet auquel on l’ajoute ou dont on le retranche. Or, dans le raisonnement, tantôt la proposition n’a pas besoin de preuve ; tantôt, comme nous le montrerons, elle ne saurait s’en passer ; donc la preuve n’est pas la même chose que la proposition. Voici comme nous prouvons ce que nous avons avancé.

Une proposition évidente et dont tout le monde ne peut s’empêcher de convenir, n’a pas besoin de preuve. Par exemple : « Si j’étais à Athènes le jour que ce meurtre a été commis à Rome. je n’ai pu y prendre part. » Voilà qui est évident, qui n’a pas besoin de preuve. Aussi peut-on ajouter tout de suite l’assomption : « Or, j’étais à Athènes ce jour-là. » Si ce fait n’est pas constant, il faut le prouver, et ensuite vient la conclusion : « Donc je n’ai pu prendre part à ce meurtre. » Ainsi, il est des propositions qui n’ont pas besoin de preuve. Montrer que d’autres en ont