Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/303

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son avantage ; car on doit tirer des soupçons de la question, des témoins et des bruits publics, comme de la cause, de la personne, et du fait même.

Aussi, suivant nous, c’est une erreur égale de penser que cette espèce de soupçons n’a nullement besoin d’art, ou bien de donner pour chaque genre une méthode particulière. En effet, on peut tirer des mêmes lieux toutes sortes de conjectures ; on peut suivre la même marche pour vérifier les dépositions arrachées par la torture, celles des témoins, les bruits publics, et pour remonter à leur source : et dans toute cause, si une partie des arguments tirés de la cause même y sont inhérents, et ne peuvent facilement s’adapter à toutes les causes de la même espèce, il en est d’autres qui s’appliquent d’une manière plus vague à toutes celles de la même espèce, ou même à la plupart des causes.

XV. Ces arguments, qui conviennent à un grand nombre de causes, nous les appelons lieux communs ; car un lieu commun sert de développement à une chose douteuse ou certaine : certaine, si vous voulez, par exemple, montrer qu’un parricide est digne des plus grands supplices ; il faut, avant d’appuyer sur ce point, prouver le crime : douteuse, quand le contraire offre des raisons également probables ; par exemple : Il faut croire aux soupçons, ou bien il ne faut pas y croire. Parmi les lieux communs, les uns s’emploient pour exciter l’indignation ou la pitié, comme nous l’avons dit plus haut ; les autres, pour appuyer quelque point qui offre des raisons pour et contre.

Ces lieux communs répandent dans le discours beaucoup d’éclat et de variété, mais si on les emploie avec mesure, et seulement quand on aura gagné l’auditeur par des preuves plus convaincantes ; car il n’est permis de traiter une question générale que lorsqu’on a développé quelque point inhérent à lu cause, et pour préparer l’auditoire à ce qui suit, ou pour le délasser, quand on a épuisé la matière. On ne peut douter, en effet, que tout ce qui orne l’élocution, tout ce qui donne de l’agrément et du poids à un discours, de la dignité au style et aux pensées, ne se rapporte aux lieux communs. Aussi les lieux communs, qui appartiennent, comme nous l’avons dit, à toutes les causes, n’appartiennent pas également à tous les orateurs ; car celui qui, par une longue habitude de la parole, n’aura pas amassé un grand fonds de pensées et d’expressions, ne pourra point leur donner les ornements et la force qu’ils exigent. Ces observations peu-vent s’appliquer à tous les lieux communs en général.

XVI. Pour revenir à la question de fait en particulier, voici les lieux communs qu’elle offre ordinairement : les soupçons, les bruits publics, les témoins, les aveux arrachés par la torture, méritent ou ne méritent pas notre confiance, selon la nature et l’intérêt de la cause, et on en donne les raisons. On peut avoir ou ne pas avoir égard à la conduite passée ; un homme déjà coupable d’un tel délit, peut être ou n’être pas capable de tel autre ; il faut s’attacher surtout aux motifs, ou ne point s’y arrêter. Ces lieux communs