Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/332

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La tempérance règle et dirige, d’une main ferme et sûre, toutes les passions et tous les désirs de l’âme. Elle comprend la continence, la clémence et la modération. La continence assujettit les passions au joug de la sagesse. La clémence calme, par la douceur, l’emportement de la haine. La modération donne à une honnête pudeur un ascendant qu’on aime et qui dure longtemps. On doit rechercher toutes ces vertus pour elles-mêmes, et sans aucune vue d’intérêt. Le démontrer, serait nous écarter de notre plan, et de la brièveté qui convient aux préceptes.

On doit éviter, toujours pour eux-mêmes, non seulement les vices contraires à ces vertus, comme la lâcheté opposée au courage, l’injustice à l’équité, mais encore ceux qui, tout en paraissant plus proches et plus voisins de la vertu, n’en sont pas moins très éloignés. La faiblesse, par exemple, est opposée à la fermeté, et par cela même est un vice. L’audace ne lui est pas opposée : elle se rapproche de la vertu, et pourtant elle est un défaut. Ainsi, à côté de chaque vertu, on trouvera toujours un vice, tantôt désigné par un mot propre, comme l’audace voisine de la fermeté, l’opiniâtreté de la persévérance, la superstition de la religion ; tantôt sans dénomination particulière. Nous les mettons, comme tout ce qui est contraire aux vertus, au nombre des choses à éviter. En voilà assez sur le genre d’honnêteté qu’on recherche absolument pour elle-même.

LV. Occupons-nous maintenant du genre qui nous offre à la fois l’honnête et l’utile et auquel nous donnons aussi le nom d’honnête. Il est bien des choses qui nous attirent, et par leur éclat, et par les avantages qu’elles nous offrent, comme la gloire, la dignité, l’élévation, l’amitié. La gloire occupe souvent, et d’une manière honorable, la voix de la renommée. La dignité donne une autorité fondée sur l’honneur ; elle nous concilie les hommages, le respect. L’élévation est fondée sur la puissance, la majesté, ou d’immenses richesses. L’amitié est le désir d’être utile à celui qu’on aime, le retour dont il paye l’affection qu’on lui porte et les vœux qu’on fait pour son bonheur. Comme nous parlons ici des causes civiles, nous ne séparons point de l’amitié les vues d’intérêt qui peuvent nous la faire rechercher ; mais qu’on n’aille point nous blâmer et croire que nous parlons de l’amitié en général. Il n’en est pas moins vrai que les uns, dans l’amitié, ne voient que les avantages qu’elle peut leur procurer ; d’autres la recherchent uniquement pour elle-même ; quelques-uns enfin, pour elle-même et pour ces avantages. Nous déciderons ailleurs quelle est la définition qui lui convient le mieux. Accordons maintenant à l’orateur qu’on peut la rechercher pour ces deux motifs. Mais comme elle est tantôt consacrée par la religion, tantôt profane, tantôt fortifiée par une longue habitude, tantôt récente, fondée ou sur des services rendus, ou sur des services reçus, sur d’importants bienfaits, ou sur des obligations légères, elle doit être jugée d’après toutes ces considérations.

LVI. L’utilité est personnelle ou extérieure :