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DISCOURS SUR LA REPONSE DES ARUSPICES. 3

et la vie. Pourrai-je sans injustice lui ravir une gloire qui déjà lui est promise et destinée ?

IV. En effet, si l’on peut dire que le grand Scipion était né pour la ruine et la destruction de Carthage, qui, tant de fois assiégée, attaquée, ébranlée, presque conquise par nos généraux, n’est tombée enfin que sous les coups du guerrier marqué par le destin ; on pourrait dire de même, à la gloire de Milon, que les dieux bienfaisants l’ont accordé à la patrie pour réprimer, pour abattre, pour exterminer ce monstre. Seul il a connu par quels moyens il fallait non-seulement terrasser, mais enchaîner un furieux qui, dispersant les citoyens à coups de pierres, et les forçant à se renfermer dans leurs maisons, menaçait du meurtre et de l’incendie Rome entière, le sénat, le forum et tous les temples.

Ce n’est pas à un tel homme, à un homme qui a si bien mérité de la patrie et de moi, que je voudrais jamais ravir un accusé, dont il a bravé et même recherché la haine pour mes intérêts. Si pourtant Clodius, poursuivi par toutes les lois, pressé par la haine de tous les bons citoyens, consterné par l’attente d’un supplice qui ne peut être longtemps différé ; si, dis-je, gêné et resserré par tant d’entraves, il s’agite encore ; s’il s’efforce de briser sa chaîne pour s’élancer sur moi, je saurai le combattre. Que Milon me l’abandonne ou qu’il s’unisse à moi, je repousserai ses attaques comme je fis hier, lorsque, provoqué par son geste menaçant, je prononçai les mots de loi et de jugement : il n’en fallut pas davantage ; il s’assit et garda le silence. Qu’aurait-il pu faire ? m’ajourner une seconde fois devant le peuple ? Je l’aurais accusé moi-même de violence, et le préteur l’aurait forcé à comparaître dans trois jours. Voici quelle doit être désormais la règle de sa conduite : qu’il sache que, s’il se contente des crimes qu’il a commis, c’est Milon qui consommera le sacrifice ; mais s’il ose tourner contre moi quelques-uns de ses traits, aussitôt je saisirai les armes de la justice et des lois.

Il a prononcé, ces jours derniers, une harangue, qu’on m’a remise tout entière : connaissez-en d’abord l’objet et l’intention générale ; et quand vous aurez ri de l’impudence du personnage, je l’analyserai dans toutes ses parties.

V. Pères conscrits , Clodius a prononcé une harangue sur le culte et sur les cérémonies religieuses. Oui, Clodius s’est plaint que la religion est négligée, violée, profanée. Il n’est pas étonnant que cela vous paraisse ridicule. Son assemblée, car il la prétend à lui, son assemblée elle-même a trouvé plaisant qu’un homme frappé d’une foule de sénatus-consultes qui ont tous la religion pour objet, qu’un homme qui a porté l’inceste jusque sur les autels de la Bonne Déesse, qui a souillé, je ne dis pas seulement par ses regards, mais par la plus infâme débauche, des mystères que l’œil d’un homme ne peut, sans offenser le ciel, apercevoir même par inadvertance, vînt se plaindre en public de la profanation des cérémonies religieuses. Aussi on attend de lui, pour la première fois, une harangue sur la chasteté. En effet, puisqu’il ose gémir sur les profanations, après qu’on l’a chassé des autels les plus saints, il peut aussi bien choisir pour son texte la pudeur et la chasteté, lorsqu’il sort de la


Accedit etiam, quod, exspectatione omnium , fortissimo et clarissimo viro, T. Annio, devota et constituta ista hostia esse videtur ; cui me præripere desponsam jam et destinatam laudem, quum ipse ejus opera et dignitatem et salutem recuperarim, valde est iniquum.

IV. Etenim, ut P. ille Scipio natus mihi videtur ad interitum exitiumque Carthaginis, qui illam a multis imperatoribus obsessam, oppugnatam, labefactatam, pæne captam aliquando, quasi fatali eventu, solus evertit : sic T. Annius ad illam pestem comprimendam, exstinguendam, funditus delendam natus esse videtur, et quasi divino numere donatus reipublicæ. Solus ille cognovit, quemadmodum armatum civem, qui lapidibus, qui ferro alios fugaret, alios domi contineret, qui urbem totam, qui curiam, qui forum, qui templa omnia cæde incendiisque terreret, non modo vincere, verum etiam vincire oporteret.

Huic ego , et tali, et ila de me, ac de patria merito viro, nunquam mea voluntate præripiam eum præsertim reum, cujus ille inimicitias non solum suscepit propter salutem meam, verum etiam appetivit. Sed si etiam nunc illaqueatus jam omnium legum periculis, irretitus odio bonorum omnium, exspectatione supplicii jam non diuturna implicatus, feretur tamen hæsitans, et in me impetum impeditus facere conabitur ; resistam, et aut concedente, aut etiam adjuvante Milone, ejus conatum refutabo : velut hesterno die, quum mihi stans tacenti minaretur, voce tantum attigi legum initium et judicii ; consedit ille ; conti cuit. Diem dixisset, ut fecerat : fecissem, ut ei statim tertius a prætore dies diceretur. Atque hoc sic moderetur, et cogitet, si contentus sit iis sceleribus, quæ commisit, jam se esse consecratum Miloni ; si quod in me telum intenderit, statim me esse arrepturum arma judiciorum atque legum.

Atqui paullo ante, patres conscripti, concionem habuit, quæest ad me tota deleta ; cujus concionis primum universum argumentum sententiamque audite. Quum riseritis impudientiam hominis, tum a me de tota concione audietis.

V. De religionibus, sacris et cærimoniis est concionatus, patres conscripti, Clodius : P. inquam, Clodius sacra et religiones negligi, violari, pollui questus est. Non mirum, si hoc vobis ridiculum videtur. Etiam sua concio risit hominem, quomodo ipse gloriari solet, ducentis contixum senatusconsultis, quæ sunt omnia contra illum pro religionibus facta, hominemque eum, qui pulvinaribus Bonæ Deæ stuprum intulerit, eaque sacra, quæ viri oculis, ne imprudentis quidem, adspici fas est, non solum adspectu virili, sed flagitio stuproque violarit, in concione de religionibus neglectis conqueri. Itaque nunc proxima concio

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