Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.7.djvu/133

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qui va suivre : mais, dans cette énumération, je passerai sous silence le temps des proscriptions et des brigandages sous la dictature de Sylla. Je ne veux point qu’il fasse valoir, pour sa justification, les calamités d’une époque désastreuse. C’est de crimes avérés, et qui lui sont personnels, que je l’accuserai ; ainsi retranchons de l’accusation tout le temps de la domination de Sylla, et voyons combien sa lieutenance a été brillante.

XVII. À peine le gouvernement de la Cilicie(61) fut-il donné à Cn. Dolabella, dieux immortels ! avec quelle chaleur, par combien d’intrigues Verrès n’emporta-t-il point le titre de son lieutenant ? Ce fut là le principe de tous les malheurs qui ont accablé Dolabella ! Verrès se mit en route, et, dans les lieux où il passa, on vit en lui non pas un lieutenant du peuple romain, mais un de ces orages qui ne laissent rien dans les pays où ils éclatent. En traversant l’Achaïe (ici je laisserai de côté les délits du second ordre et les vexations que d’autres ont sans doute commis, et je ne parlerai que de faits qui lui sont particuliers, et qui, imputés à tout autre accusé, pourraient paraître incroyables), en Achaïe, dis-je, il demanda une somme d’argent au magistrat de Sicyone(62). Pourquoi en accuser Verrès ? d’autres l’ont fait comme lui. Le magistrat ayant refusé, il sévit contre lui : c’était une vexation odieuse, quoique non sans exemple. Mais voyez quel fut le genre du châtiment, et vous jugerez quelle espèce d’homme est Verrès. Il fit allumer dans un réduit fort étroit un feu de bois vert et humide ; ce fut là qu’un homme libre, un citoyen distingué dans son pays par sa naissance, un allié, un ami du peuple romain, fut enfermé au milieu de la fumée, et laissé à demi mort. Que de tableaux, que de statues n’a-t-il pas