Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.7.djvu/147

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vertu et la victoire offrent des jouissances bien plus douces que cette grossière volupté que l’on trouve à satisfaire ses passions et son avarice, et je puis dire que Servilius est bien plus jaloux d’avoir en main l’état et la description des dépouilles dont il a enrichi le peuple romain, que vous d’avoir la liste de vos rapines(93).

XXII. Vous direz que vos statues et vos tableaux ont aussi décoré la ville et le Forum du peuple romain. Je m’en souviens ; j’ai vu, avec le peuple romain, le Forum et les comices(94) ornés d’une façon bien magnifique pour les yeux, mais en même temps bien triste et bien lugubre pour les sentiments et les réflexions que réveillait ce luxe odieux ; j’ai vu briller de toutes parts les rapines, le butin fait sur nos provinces, les dépouilles de nos alliés et de nos amis, et ce fut en ce moment, juges, que Verrès conçut l’espérance de commettre encore de plus grands crimes : car il eut la preuve que ceux qui prétendaient régner en maîtres sur les tribunaux étaient les esclaves des mêmes passions que lui(95). Alors aussi nos alliés et les nations étrangères commencèrent à désespérer de la conservation de leurs fortunes. On vit même plusieurs députés de l’Asie et de l’Achaïe, qui, par hasard, se trouvaient à Rome, adresser au milieu du Forum leurs adorations aux simulacres des dieux, enlevés aux temples de leur patrie ; puis, reconnaissant en divers endroits d’autres statues, d’autres ornements, ils les contemplaient, les yeux baignés de larmes. Nous les entendîmes répéter entre eux ces discours : « Personne n’en peut plus douter ; c’en est fait des alliés et des amis de la république, quand nous voyons que dans le Forum du peuple romain, dans le lieu même où ceux de qui les alliés avaient reçu quelques injustices,