Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.7.djvu/151

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vez le nier, et plût au ciel que vous n’en convinssiez point ! Montrez-moi un seul achat porté sur le livre de votre père ou sur le vôtre, et je vous donne gain de cause : vous ne pouvez pas même dire comment vous avez acheté les deux belles statues qui sont aujourd’hui dans votre cour(99), après avoir été si longtemps à Samos, devant la porte du temple de Junon : oui, ces deux chefs-d’œuvre, qui sont maintenant seuls dans votre maison, et qui attendent que l’enchérisseur(100) leur permette enfin de se réunir aux autres statues(101).

XXIV. Mais sans doute c’était seulement pour les objets de cette nature que sa passion ne connaissait point de frein ; dans ses autres caprices il savait se modérer, et la raison avait sur lui quelque pouvoir. Que d’adolescents de naissance libre(102), que d’épouses légitimes(103) ont été victimes de sa brutalité pendant son infâme et cruelle lieutenance ! Est-il une ville où il ait mis le pied sans y laisser plus de traces de ses débauches et de ses crimes que de ses pas ? J’abandonne les faits que l’on pourrait nier ; je ne parlerai pas même de tous ceux qui sont notoires, incontestables. Parmi tant d’actions scandaleuses, je ne m’arrêterai qu’à une seule pour arriver plus promptement à la Sicile, qui m’a imposé l’engagement pénible de défendre sa cause. Sur les côtes de l’Hellespont est Lampsaque(104), la ville la plus belle et la plus célèbre de notre province d’Asie. Ses habitants, toujours pleins d’obligeance et d’égards envers les citoyens romains, sont d’ailleurs d’un caractère singulièrement doux et paisible ; et plus faits, en un mot, pour ce repos qui plaît tant aux Grecs, que pour l’agitation et les actes de violence. Il advint que Verrès redemanda avec beaucoup d’instance à Dolabella d’être envoyé auprès du roi