Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.7.djvu/23

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traces les plus profondes, les monuments les plus durables de tous ses penchants vicieux. Il a pendant trois ans tellement tyrannisé, ruiné cette province, que rien ne peut la rétablir dans son ancien état. Il faudra bien des années, avec des préteurs irréprochables, pour qu’elle se relève en partie de ses ruines. Sous son gouvernement, les Siciliens n’ont trouvé d’appui ni dans leurs lois, ni dans nos sénatus-consultes, ni dans le droit des gens ; et dans la Sicile personne ne possède plus que ce qui a pu échapper à la connaissance de ce monstre d’avarice et de débauche, ou que ce que lui-même a pu laisser par satiété.

V. Aucun jugement, pendant trois ans, n’a été rendu qu’au gré de son caprice : pas un bien, vînt-il d’un père ou d’un aïeul, dont par lui, par son ordre, le propriétaire n’ait été dépouillé. Des sommes énormes levées sur les terres des laboureurs(21), par des arrêts d’une iniquité sans exemple ; les alliés les plus fidèles traités en ennemis(22) ; des citoyens romains livrés aux tortures, et mis à mort comme des esclaves(23) ; les hommes les plus coupables absous par leurs trésors ; les plus vertueux, les plus intègres, dénoncés en leur absence(24), condamnés et bannis sans avoir pu se défendre ; les ports les mieux fortifiés(25), les villes les plus grandes et les plus sûres, ouverts aux pirates et aux brigands ; les matelots et les soldats siciliens, nos alliés et nos amis, réduits à mourir de faim ; les flottes les mieux équipées et les plus utiles au commerce et à la guerre, perdues et détruites au détriment et à la honte du peuple romain, voilà l’histoire de sa préture. Et ces antiques monuments, dont les plus riches souverains(26) avaient doté la Sicile pour l’embel-