Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.7.djvu/297

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nature, si bien fermée du côté de la terre et de la mer, ayant enfin cédé à sa valeur et à son génie, non-seulement il permit qu’elle ne souffrît aucun dommage, mais il la laissa si magnifiquement décorée, qu’elle devint tout à la fois un monument de ses victoires, de sa clémence, de son désintéressement, quand on considérait et quels remparts il avait forcés, et quel peuple il avait épargné, et quelles richesses il avait respectées. Il se crut obligé à tant d’égards envers la Sicile, qu’il ne pensa pas qu’une ville ennemie pût disparaître d’une île où nous ne comptions d’ailleurs que des alliés ; et véritablement aussi la Sicile a-t-elle été pour nous, par son utilité, la province par excellence : tout ce que pouvait produire son territoire paraissait moins croître pour ses habitans, qu’être d’avance réservé pour notre consommation. Quand a-t-elle manqué(4) de livrer au jour marqué le blé qu’elle nous devait ? Quand ne s’est-elle pas empressée de prévenir nos besoins par ses offres ? Quand a-t-elle refusé ce que nous exigions d’elle ? Aussi le sage Caton appelait-il la Sicile le grenier de notre république, et la nourrice du peuple romain. Nous en avons fait l’expérience dans cette guerre italique(5) si terrible et si importante : oui, la Sicile fut alors pour nous non pas seulement un grenier, mais un trésor bien rempli, tel qu’était celui de nos pères ; car, sans qu’il nous en ait coûté aucune dépense, en nous fournissant des cuirs, des tuniques, des grains, elle a équipé, vêtu et nourri nos nombreuses armées.

III. Que dirai-je des autres avantages que nous lui devons, sans peut-être que nous en sentions toute l’importance ? Combien ne comptons-nous pas de nos concitoyens qui se sont enrichis depuis qu’ils ont une province voisine, fidèle, fertile, où ils peuvent facilement se transporter et