Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.7.djvu/471

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avez espéré pouvoir vous soustraire à la haine, et à l’infamie ? Et moi, ne pourrai-je fortifier mon accusation de l’estime qui est due à vos accusateurs, quand vous avez abusé de leurs noms pour donner quelque lustre à vos statues ?

Peut-être direz-vous que vous êtes en estime parmi les publicains, et cet espoir vous donne quelque assurance. Mais cette estime, j’ai pris mes mesures pour qu’elle ne pût vous servir ; il est même impossible qu’elle ne vous nuise pas, grâce à la sage conduite que vous avez tenue tout exprès. Écoutez, juges ; voici le fait en peu de mots.

LXX. Dans la ferme des pâturages de Sicile, il y avait un sous-administrateur (108) nommé Carpinatius. Cet homme, pour augmenter sa fortune, et peut-être aussi pour se rendre utile à ses co-associés, s’était insinué fort avant dans les bonnes grâces de Verrès. Il suivait le préteur dans toutes les villes où il rendait la justice (109) ; jamais il ne le quittait ; enfin, il avait tellement gagné sa confiance, et vivait avec lui dans une si grande intimité, que pour la vente des décrets et des jugemens, ainsi que pour toute espèce de transactions civiles, on s’adressait à ce favori presque autant qu’à Timarchide. Il avait même sur celui-ci un grand avantage : il prêtait de l’argent à usure à ceux qui voulaient acheter quelque faveur ; et le produit de cette usure était assez important pour surpasser tout autre bénéfice. Carpinatius avançait d’une main les sommes qu’il recevait, soit de Timarchide, soit du secrétaire de Verrès, soit de Verrès lui-même, et faisait ainsi valoir la caisse du préteur ; mais ce n’était pas sans tirer pour son compte un fort bon parti de cet agiotage.