Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.7.djvu/91

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plains pas, juges. Oui, je vois sans peine que nous allons recueillir, vous, le fruit de votre intégrité, et moi, celui de mon travail. S’il avait suivi sa première résolution de ne point comparaître, on ne connaîtrait pas, autant qu’il me l’importe, tout ce qu’il m’en a coûté de soins pour rassembler, pour établir les chefs de cette accusation ; et vous, juges, vous auriez peu de mérite à prononcer sur cette affaire ; car ce n’est pas à un arrêt obscur que le peuple romain borne ici son attente ; ce ne pourrait être assez pour lui devoir un contumace condamné par votre tribunal, et votre courage se déployer contre un accusé que nul n’oserait défendre. Mais que cet homme se montre, qu’il réponde, que les citoyens les plus puissans l’appuient de leur immense crédit et signalent pour lui le zèle le plus ardent ; que ma vigilance soit en lutte avec leur cupidité, votre intégrité avec ses richesses, la fermeté des témoins avec les menaces et le pouvoir de ses protecteurs, plus la victoire sera disputée, plus le triomphe sera glorieux. C’est alors que vous pourrez vous vanter de les voir vaincus, puisqu’ils seront descendus dans la lice pour vous disputer la victoire. Mais, s’il est condamné sans avoir comparu, on dira qu’il a moins voulu se soustraire au châtiment, que vous dérober la gloire de l’avoir condamné.

II. Il n’est point aujourd’hui de plus sûr moyen de sauver la république que de persuader au peuple romain qu’avec des juges sévèrement choisis(3) par l’accusateur, les alliés, les lois et la république peuvent encore trouver de fidèles appuis dans l’ordre sénatorial ; et rien ne peut être plus désastreux pour l’état, que de laisser cette opinion s’établir parmi le peuple, qu’auprès de cet ordre la vérité, l’intégrité, la bonne foi, la religion, n’ont aucun pouvoir.