Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/115

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car les Siciliens ne craignaient pas autant des compatriotes. Cependant, à force de renouveler chaque jour leurs injustes prétentions, ils firent si bien que les Herbitains s’engagèrent à venir plaider à Syracuse. À peine y furent-ils arrivés qu’on les força de donner à Eschrion, c’est-à-dire à Pippa, ce qui avait été retranché sur le bail, c’est-à-dire trois mille six cents médimnes. Le préteur ne voulut pas qu’une femmelette, tout adjudicataire qu’elle était de la dîme, fît sur cet objet des profits trop considérables, dans la crainte qu’elle ne vînt à négliger son trafic nocturne, pour se livrer tout entière aux opérations de la finance. Les Herbitains croyaient en être quittes, lorsque Verrès leur dit : Et pour l’orge, et pour mon petit ami Docimus, qu’allez-vous faire ? Remarquez, juges, que cette scène se passait dans la chambre à coucher du préteur, et qu’il était au lit. Les députés répondirent qu’ils n’avaient aucun pouvoir sur cet article. Je n’entends pas cela, dit-il, comptez quinze mille sesterces. Que pouvaient-ils faire dans une si fâcheuse conjoncture ? Comment refuser ? surtout quand ils apercevaient dans le lit l’empreinte toute récente du corps de Tertia, de cette fermière de la dîme ? Ils sentaient que cette vue devait exciter encore plus le préteur à persévérer dans ses exigences. Ainsi une ville alliée et amie de la république se vit, sous la préture de Verrès, contrainte de payer un double tribut à deux infâmes prostituées. Mais je dis plus, malgré ces sacrifices en blés, malgré tout cet argent compté aux décimateurs, les Herbitains ne purent encore soustraire leurs concitoyens aux exactions de ces déprédateurs. Après la ruine des laboureurs et le pillage de leurs propriétés, on se trouvait encore heureux de donner aux décimateurs de l’argent pour qu’ils délivrassent