Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/189

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saires dans votre cohorte ? Il eût été trop révoltant que l’une des parties eût le pouvoir de prendre ses juges parmi des gens vendus, au lieu de laisser à toutes deux le droit d’en choisir chacune de leur côté parmi des personnes impartiales. Vous ne faites ni l’un ni l’autre. Que faites-vous donc ? Quelque chose de pis encore. Verrès force Scandilius à donner les cinq mille sesterces, à les compter dans les mains d’Apronius. Que pouvait faire de plus ingénieux un préteur jaloux de sa réputation, et qui voulait repousser loin de lui tout soupçon et imposer silence à des bruits déshonorans ?

LXI. Le nom de Verrès revenait dans toutes les conversations avec opprobre, avec scandale ; un misérable, un vil scélérat, Apronius avait dit partout que le préteur était son associé ; l’affaire avait été portée en justice, elle allait être décidée. Rien de plus facile pour Verrès, s’il n’avait pas été coupable, que de rétablir son honneur ; il n’avait qu’à punir Apronius. Quel châtiment, quelle peine imagine-t-il contre Apronius ? Il force Scandilius de donner à Apronius cinq mille sesterces pour prix, pour récompense de sa scélératesse et de sa singulière audace à publier partout son association criminelle avec le préteur. Rendre ce jugement, ô le plus effronté des hommes ! n’était-ce pas avouer, répéter hautement le propos qu’Apronius avait sans cesse à la bouche ? Et l’homme que, pour peu que vous eussiez eu la moindre pudeur, ou du moins la crainte des lois, vous auriez dû ne pas renvoyer sans châtiment, vous n’avez pas voulu le laisser partir sans salaire ! Que de lumières peut vous donner, juges, cette seule affaire de Scandilius ! Vous voyez d’abord que le reproche d’association avec les décimateurs n’a point pris naissance à Rome ; que ce n’est point une invention