Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/95

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supporter des vexations et des outrages d’un genre si nouveau, si extraodinaire, si incroyable ? Tout le monde conçoit par quelle raison la province entière a choisi, pour défendre ses plus chers intérêts, un homme dont la probité, l’activité, la fermeté, ne pussent céder à aucune considération. À combien de jugemens n’avez-vous pas assisté ! Combien de scélérats ont été, à votre connaissauce, accusés de vos jours et du temps de vos pères ! En avez-vous vu, en avez-vous entendu citer un seul qui ait commis des vols si atroces et si publics, qui ait porté si loin l’audace et l’impudence ?

Apronius se faisait escorter par les esclaves de Vénus. Il les menait avec lui de ville en ville, se faisait préparer des banquets aux frais des villes, et dresser des tables au milieu des places publiques. Là il se faisait amener, non pas seulement les habitans les plus estimables de la Sicile, mais les plus honorables chevaliers romains ; et celui dont personne, à moins d’être couvert de vices et d’infamies, n’aurait voulu partager le repas, forçait d’assister debout à ses festins les personnages les plus illustres et les plus respectables. Ô le plus scélérat, le plus abominable des hommes ! Verrès, vous n’ignoriez pas ces horreurs ; tous les jours vous les entendiez raconter ; tous les jours vous en étiez témoin. Si elles n’avaient pas été pour vous une source de richesses, les auriez-vous souffertes ? les auriez-vous autorisées au risque de vous perdre vous-même ? Croirait-on que l’envie d’enrichir Apronius vous ait si exclusivement intéressé ? Croirait-on que les propos obscènes et les caresses lascives de ce misérable aient tellement charmé votre esprit, que jamais le soin de votre existence n’ait occupé votre pensée ?