Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.9.djvu/13

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change à l’opinion, il a jugé, condamné, mis à mort tous les capitaines de la flotte ; il a pareillement exercé des cruautés sans nombre, même envers des citoyens romains.

Cette harangue comprend donc quatre chefs : 1° ce que Verrès a fait pour assurer la tranquillité de la Sicile pendant la guerre de Spartacus ; 2° les mesures qu’il a prises contre les incursions des pirates ; 3° le procès révoltant, la condamnation à mort et l’exécution des capitaines de la flotte ; 4° ses cruautés envers les citoyens romains, d’où résultera contre lui l’accusation de lèse-majesté.

Citons ici quelques réflexions pleines de justesse présentées par Truffer sur le plan général des Verrines. « Il est à remarquer, dit-il, que Cicéron, dans la marche de cette longue plaidoirie, suit une sorte de gradation que semble indiquer la nature des choses. C’est un crime de ne pas rendre la justice : de là deux premiers discours sur les malversations de Verrès en ce genre, tant à Rome que dans la province. C’est un plus grand crime d’imposer des taxes arbitraires et de provoquer la disette : troisième discours sur la levée des décimes et les impositions de grains. C’en est un plus grand encore de piller les temples et d’enlever les objets du culte public : quatrième discours, intitulé Des statues ; et c’est celui qui précède. Enfin le comble de la scélératesse est de massacrer les hommes, de les mettre en croix, surtout quand on traite ainsi les enfans même de la patrie, dont tout magistrat est : tenu de défendre les privilèges. Quel champ pour l’éloquence ! Il faut se souvenir, au surplus, que c’est un Romain qui parle. Quoique tous tes hommes, soient égaux par eux-mêmes, ils ne l’étaient pas aux yeux du peuple-roi, qui dédaignait toutes les nations : or, ici, nous devons adopter ses préjugés, si nous voulons ne rien perdre des mouvemens rapides et des argumens de l’orateur. »

En effet, comme l’observe un autre critique : « Si l’orateur débite des maximes d’une politique sévère et terrible ; s’il parle sans pitié du supplice qu’on doit aux ennemis vaincus ; s’il recommande d’être sanguinaire envers eux, et avec autant de chaleur qu’on recommande aujourd’hui l’humanité, il se conforme aux principes de l’administration de Rome ; et, si la philosophie a droit de se plaindre, le patriotisme lui doit des éloges. »

C’est surtout au supplice de Gavius, que, dans cette partie, s’attache l’orateur, dont le style présente toute la force et l’abandon