Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.9.djvu/133

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celui dont la galère, à peu près suffisamment garnie, paraît avoir été la seule qui fût capable de résistance ? Que Cléomène périsse avec les autres. Mais la foi jurée ! et nos sermens mutuels ! et nos mains si tendrement unies ! et nos embrassemens (72) ! et cette tente sous laquelle nous avons fait ensemble le service de Vénus sur ce rivage consacré à nos plaisirs ! Il jugea donc impossible de ne pas sauver Cléomène. Il fait appeler Cléomène, lui dit qu’il a résolu de sévir contre tous les capitaines ; que, dans la situation périlleuse où il se trouve, son intérêt le veut, l’exige. Vous seul serez épargné, et, dût-on m’accuser d’inconséquence, je prendrai sur moi toute la faute, plutôt que d’être cruel à votre égard, ou de laisser vivre tant de témoins qui me perdraient. Cléomène lui rend grâces ; il approuve fort sa résolution, assure qu’il n’y a pas d’autre parti à prendre. Cependant il lui soumet une réflexion qui lui avait échappé ; c’est que Phalargue de Centorbe ne pouvait être envoyé comme les autres au supplice, attendu que ce capitaine était avec lui sur la galère de cette ville. Quoi donc ! s’écrie Verrès, je laisserai vivre un jeune homme d’une famille si distinguée, citoyen d’une ville si importante, pour qu’il dépose contre moi ! — Oui, pour le moment, dit Cléomène, puisqu’il le faut ; nous chercherons plus tard quelque moyen de nous en débarrasser.

XLI. Ce plan conçu et arrêté, Verrès sort brusquement du palais prétorien, ne respirant que le crime, la fureur et la cruauté. Il arrive au forum. Les capitaines sont mandés ; comme ils ne craignaient rien, ne soupçonnaient rien, tous viennent avec empressement. Ces malheureux, tout innocens qu’ils sont, se voient, d’après