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Page:Cicéron - Œuvres complètes Nisard 1864 tome 4.djvu/93

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DE LA NATURE DES DIEUX, LIV. I.

ble, ce qu’il faut penser de la religion, de la piété, de la sainteté, des cérémonies, de la bonne foi, du serment, des temples, des autels, des sacrifices, et des auspices même, où je préside. Car tout cela dépend de l’opinion qu’il faut avoir des Dieux. Et quand on verra combien les hommes les plus doctes ont été partagés là-dessus, il y aura, si je ne me trompe, de quoi faire douter ceux-là mêmes qui se piquent d’avoir trouvé quelque chose de certain. C’est une réflexion que j’ai faite plus d’une fois, mais particulièrement à l’occasion d’une dispute, où il n’y eut rien d’oublié touchant les Dieux immortels. Ce fut chez mon ami Cotta, qui m’avait prié de l’aller voir pendant les féries latines. Je le trouvai dans son cabinet, assis, et discourant avec le sénateur Velléius, que les Épicuriens regardaient comme le premier homme de leur secte, qui fût alors dans Rome. Là se rencontrait en même temps Balbus, qui était si bien versé dans la doctrine des Stoïciens, qu’on l’égalait aux Grecs de ce parti les plus habiles. Du moment que Cotta m’aperçut : C’est fort à propos que vous paraissez, me dit-il. Je m’engageais avec Velléius dans une dispute importante, à laquelle vous ne serez pas fâché d’assister, la matière étant de votre goût.

VII. Je pense comme vous, lui répondis-je, que la rencontre est heureuse pour moi. Car je vous trouve ici trois chefs de sectes : et si Pison faisait le quatrième, toutes les sectes y seraient, au moins toutes celles qui sont renommées. Pison, reprit Cotta, n’est point ici à regretter, s’il est vrai, comme Antiochus le soutient dans un livre qu’il adressa dernièrement à Balbus, que les Stoïciens et les Péripatéticiens s’accordent pour les choses, et ne diffèrent que dans les termes. Vous, Balbus, qui avez lu ce livre, qu’en jugez-vous ? J’ai peine, dit-il, à comprendre qu’un homme aussi éclairé que l’est Antiochus n’ait pas observé qu’il y a une très-grande différence entre les Stoïciens, qui prétendent que l’honnête et le commode diffèrent aussi bien de genre que de nom ; et les Péripatéticiens, qui confondent le commode et l’honnête, comme si l’un et l’autre étaient absolument de même genre, et que toute la différence ne fût que du plus au moins. Cette dispute, loin de porter sur des termes seulement, attaque le fond des choses. Mais gardons-la pour une autre fois, et, si vous le trouvez bon, reprenons celle que nous avions entamée. C’est ma pensée, repartit Cotta. Mais, pour mettre au fait ce nouveau-venu, dit-il en me regardant, il faut lui apprendre que l’entretien roulait sur la nature des Dieux : et qu’y trouvant, comme j’ai toujours fait, beaucoup d’obscurité, je demandais à Velléius qu’il m’expliquât ce qu’en a dit Épicure. Ainsi, Velléius, donnez-vous la peine de répéter ce que vous aviez commencé à nous dire. Je m’en ferai un plaisir, lui répondit Velléius, quoique la personne qui nous arrive soit une ressource pour vous, et non pour moi. Car, ajouta-t-il en riant, vous avez tous deux appris du même Philon à ne rien savoir. Que nous sachions quelque chose ou non, repris-je, c’est à Cotta de le montrer. Mais détrompez-vous, si vous croyez que je vienne lui servir de second. Regardez-moi comme un auditeur équitable, sans préjugés, et que rien ne force à être pour un sentiment plutôt que pour l’autre.

VIII. Velléius ouvrit alors son discours avec cet air d’assurance qui se voit dans les philosophes de son parti, ne craignant rien tant que de