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MADAME ROLAND

découvre un soutien définitif. Elle s’y appuiera jusqu’au bout. Qu’en avait deviné Champagneux lorsqu’il écrivait :

J’avais bien admiré Mme Roland dans les autres moments de sa vie, mais je ne l’appréciai comme il faut que sous les verrous. Quelle dignité elle avait portée dans sa prison ! Elle y était comme sur un trône !

Cependant les jours passaient. Le mois de septembre était venu. On avait beaucoup redouté, dans les prisons, que les égorgeurs de l’an passé ne voulussent fêter, par de nouveaux massacres, cet horrible anniversaire. Un jour que la santé de Mme Roland donnait lieu à des inquiétudes, les gardiens demandèrent un médecin.

Celui qui vint se présenta franchement comme « l’ami de quelqu’un que, sans doute, la prisonnière n’aimait point : Robespierre. »

Le dialogue est dramatique, quoique maintenu sur un ton de modération et de courtoisie[1] qui confond :

— Robespierre, dit-elle, je l’ai beaucoup connu et beaucoup estimé ; je l’ai cru un sincère et ardent ami de la liberté.

— Eh ! ne l’est-il plus ?

— Je crains qu’il n’aime aussi la domination…, etc.

Mais, le médecin parti, la vive pensée de Mme Roland circule autour du nom terrible qui vient d’être prononcé et elle écrit à Robespierre :

Je ne vous écris pas pour vous prier, vous l’imaginez bien ; je n’ai jamais prié personne, et certes ce n’est pas d’une prison que je commencerai de le faire à l’égard de quiconque me tient en son pouvoir.

  1. Sur le prétendu manque d’éducation de Mme Roland, il s’est trouvé des personnes pour faire état des bavardages apocryphes de la soi-disant marquise de Créqui ou plutôt du soi-disant comte de Courchamps.
    H. Riouffe, qui a connu Mme Roland dans les derniers jours de sa vie, c’est-à-dire dans un de ces moments critiques où l’on se montre dans sa vérité, a au contraire observé chez elle « une certaine politesse de cour », et Sainte-Beuve a écrit : « Elle avait un ton accompli de femme et une grâce perfectionnée que le frottement révolutionnaire ne put jamais flétrir. »