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LA VIE CONJUGALE

complaisante Desportes. Il n’y a que le chanoine Bimont et Sainte-Agathe dont nous entendrons encore parler de temps à autre.

Le mari absorbe tout. Le ménage fait un séjour de deux mois à Villefranche en Beaujolais, chez les Roland, où la jeune femme est « arrivée au sein d’une famille respectable et considérée », qui lui impose visiblement et qui du reste l’a bien accueillie.

Au retour, Roland l’a envoyée seule à Dieppe chez les Cousin-Despréaux et à Rouen chez les chanoinesses Malortie ses amis de jeunesse. Quand elle arrive à Amiens, où Roland habite depuis quinze ans, il prescrit à sa femme de tenir à distance les demoiselles Cannet et de se lier avec Mme de Chuignes, parente éloignée des Roland ; avec M. Bray de Flesselles, haut magistrat ; avec M. et Mme Deu, amateurs de sciences naturelles ; avec M. Devins, cavalier servant de Mme Deu, sans parler de quelques vieilles dames « vénérables », sans parler du médecin d’Hervillez et de l’apothicaire Lapostolle.

Obéissante, Mme de la Platière fit rapidement la conquête de cette société prête au blâme, qui guettait, comme d’usage, l’arrivée de la jeune Parisienne, avec plus de méfiance encore que de curiosité, ce que Roland, qui se croyait fin psychologue, traduisait en écrivant : « Les femmes te craignent terriblement. »

Le 4 octobre 1781, Mme de la Platière mit au monde une petite fille qui reçut les noms de Marie-Thérèse-Eudora et fut baptisée le lendemain à l’église Saint-Michel, sa paroisse.

Une complication sérieuse, qui survint dans l’état de la jeune mère, l’obligea à cesser la nourriture. Elle en fut désespérée et l’enfant se mit à dépérir au point que le médecin se demanda s’il serait possible de la sauver.

Mme Roland donna, dans cette occasion, une remarquable preuve de sa volonté. Malgré ce que purent dire médecins et matrones, elle soutint qu’elle ferait revenir son lait. Elle y réussit en effet malgré ses souffrances, et triompha avec exaltation lorsqu’elle vit la petite reprendre sa force et sa fraîcheur[1].

  1. Mme Roland laissa à sa fille un écrit particulièrement détaillé sur ce pénible moment de sa vie, avec les conseils les plus explicites sur les devoirs d’une jeune mère.