Page:Clément - La Revanche des communeux.djvu/158

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nous recevions tous les jours des plaintes, des visites de parents et amis d’individus arrêtés.

Naturellement, ils étaient toujours innocents ! D’après eux, le délégué à la Sûreté avait commis un grand crime, en arrêtant un aussi bon citoyen, un homme aussi dévoué à la République, la crème des maris ; le meilleur père de famille qui fût au monde, la bête du bon dieu, quoi ! Il ne ferait pas de mal à une mouche…

Tantôt l’avocat du prisonnier était une femme éplorée, accompagnée de deux ou trois marmots, elle vous les jetait dans les jambes, et, se traînant à vos pieds : Mon mari ! mon pauvre mari, le père de mes enfants ! me voilà veuve ! les voilà orphelins ! Malheureuse mère ! pauvres petits ! Et c’était une averse de larmes et des sanglots à jet continu.

À moins d’être en bronze, comme une partie de la colonne Vendôme, on se sentait attendri et l’on promettait de se renseigner auprès du terrible croquemitaine de la Sûreté.

Tantôt le solliciteur était un vieillard vénérable ou se disant tel, parce qu’il avait des cheveux blancs, ce qui, cependant, n’oblige pas toujours au respect de celui qui les porte, puisque c’est un mauvais tour que le temps joue au meilleur des hommes comme au plus grand des scélérats qui vivent d’ordinaire fort vieux, et Thiers en est un exemple.

Comment encore résister aux suffocations d’un vieillard, à la voix chevrotante, qui vous dit être seul au monde, que son fils qu’on vient d’arrêter est son unique bâton de vieillesse, que c’est le seul