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Page:Clapin - Sensations de Nouvelle-France, 1895.djvu/80

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Sensations de Nouvelle-France

propagande un ébranlement plus étendu, ce tribun déchu s’était ensuite décidé à tenter de rallier à sa cause les groupes canadiens de la Nouvelle-Angleterre, et il venait, à l’époque dont je parle, d’arriver à Boston, lorsque moi-même, de passage en cette ville, je fus prévenu qu’il devait y donner une conférence.

Je le revois encore, sortant du cercle d’admirateurs qui l’entouraient, et apparaissant soudain, devant tous, dressé dans toute sa fière hauteur, avec sa fine tête aux traits déjà touchés par le mal secret qui le dévorait, et qu’éclairait quand même un regard d’une acuité perçante. De suite, il entra dans le vif de son sujet. Peu d’éloquence, du moins dans le sens attaché généralement à ce mot. Des chiffres et des faits, mais tout cela amené, groupé avec une extrême habileté, tassé parfois, pour ainsi dire, sur un point donné, afin de mieux enfoncer ce point dans la tête de ses auditeurs. Mais aussi, comme on sentait bien que, sous toute cette aridité voulue, couvait une flamme ardente capable de devenir, à l’occasion, le foyer d’incendie auquel les multitudes prendraient feu. S’il ne s’en servait pas, c’était évidemment parce que le besoin ne s’en faisait pas sentir. Ou bien peut-être — qui sait ? — déjà revenu de tout, en