Page:Clarac - Musée de sculpture antique et moderne, 1841.djvu/19

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toujours dans cette seconde patrie des arts que l'on trouve le plus de facilités. Il est à Rome une collection si belle par les chefs d'œuvre de la statuaire antique qu'elle renferme, et si connue par la difficulté d’y pénétrer, qu'il est inutile de la nommer. Tour à tour elle fait l’admiration et le désespoir des artistes et des amateurs assez heureux pour y être admis, ce qui est rare. Les yeux privilégiés pourront s’y exercer et se complaire au milieu de toutes les merveilles qui attirent et séduisent les regards, mais la main y est paralysée et le crayon interdit : l’on se retire charmé de ce que l’on a vu et désolé de ne pouvoir en emporter que des souvenirs. On dit, au reste, qu’autrefois l’admission dans cette magnifique galerie était facile, et qu'il était permis d'y dessiner ; mais un jour une des plus belles statues fut mutilée et l'une de ses mains soustraite par un amateur frénétique, quelque Verrès, qui n'avait pas honte d'enrichir à bon marché sa collection par des larcins aussi coupables et aussi désastreux. La porte de cette précieuse collection fut alors fermée pour tout le monde. La proscription était dure ; mais on la conçoit : il est à regretter de ne pouvoir consigner le nom du barbare dont l'indigne action l’a si cruellement provoquée. Il serait bien à désirer aussi de connaître, pour lui donner une odieuse célébrité, telle que celle d’Erostrate, celui qui, admis, avec d’autres de ses compagnons de voyage, par M. Pyttakis, directeur des fouilles d’Athènes, à voir de magnifiques bas-reliefs du Parthénon nouvellement découverts, et dans le meilleur état, en a, presque en présence de M. Pyttakis brisé à grands coups des nez et des mains, pour qu’ils ne fussent plus ni plus beaux, ni mieux conservés que les autres bas-reliefs du même temple, acquis de lord Elgin par le Musée britannique. N’est-ce pas un crime contre les arts, contre le droit des gens de toutes les nations, qui mériteraient de graves châtimens, ou du moins de faire renfermer pendant quelque temps, comme fou furieux, à Bedlam celui qui s’en est rendu coupable et a mérité l’indignation de tous les amis des arts. Cet iconoclaste a été, dit on, condamné à deux ans de mer, c’est-à-dire à bien vivre à son bord pendant ce temps, et être seulement privé de la liberté de descendre à terre et du plaisir d’aller déshonorer d’autres monumens.

A Naples l’antiquaire, et surtout le dessinateur, sont bien loin d’être heureux au milieu des trésors qui les entourent aux Studii, à [XVI]