Page:Clarac - Musée de sculpture antique et moderne, 1841.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

spirituel et précis de feu Calmé et de M. Frémy. Il ne s'agit pas seulement d’un travail de patience comme pour la gravure à l'effet et terminée, il faut de la facilité et de l'adresse de main, une grande sûreté. Il faut que le trait soit net, correct, sans dureté; qu'il soit bien au premier coup ; car il n’y a presque pas à y revenir ; et moins on le reprend au burin, plus pur et plus frais il brille. Il est donc indispensable au bon graveur au trait de savoir non seulement dessiner, mais de dessiner sans hésitation, sans tâtonnement et de manière à conduire sur le cuivre verni et sur le cuivre à nud glissant et revêche, sa pointe avec autant de liberté et d'assurance que le crayon sur le papier ; et ici le danger de faux traits est peu de chose, tandis qu'il n'en est pas de même pour la gravure, où l'on ne peut pas toujours recouvrir de vernis liquide, et retoucher, sans les rendre lourdes, les parties défectueuses. Et si l'on veut effacer et repousser par derrière la planche, revernir, redessiner, faire remordre à l'eau forte, et raccorder les tons, on court encore bien plus de chances de tomber de Charybde en Scylla. Aussi, avec quelque habitude, aperçoit on aisément ces retouches et ces reprises de traits. A son allure vive, la marche aisée, spirituelle de la pointe la fait aisément distinguer du travail brillant mais plus pénible du burin qui est venu à son aide. Le trait donc, au premier coup d'œil, semble peu de chose, mais, dessiné avec toute l’intelligence qu'il exige, il rend peut être, aux yeux d'un artiste, une statue avec plus d'exactitude et de netteté qu’une gravure terminée et à l’effet. Souvent, en y faisant jouer la lumière et les ombres, on nuit à la pureté et au style des formes, et l'on fait perdre à la figure son caractère, que lui conserve un trait bien senti et calculé avec art. Certainement si, dans une proportion commode pour l’usage, et dont l'ambition resterait fort au dessous de celle de ces assommans in folio ; si, à un prix moins élevé, un pouvait réunir toutes les statues et toutes les sculptures antiques de l'Europe, gravées à I'effet et sous plusieurs faces par un Bouillon ou par queIques dessinateurs auxquels il aurait légué son talent, ce serait excellent, préférable à tout, et je n'aurais jamais pensé à mon ouvrage. Mais quand reverrons-nous un dessinateur aussi habile, et qui consacre son talent et toute sa vie à un pareil ouvrage ? Cela peut se rencontrer ; mais peut être attendra t on bien longtemps !

Il faut qu'il soit bien difficile de réunir ce sentiment à cette sûreté [XLI]