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Page:Claretie - Alphonse Daudet, 1883.pdf/29

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en lui comme l’atmosphère et, si je puis dire, l’odeur même, le parfum du passé.

Rien ne peint mieux sa manière d’être et de sentir que les pages mises par lui en tête de Robert Helmont. Inoubliables, les moindres choses le frappent et se gravent en lui, et il les rend ensuite comme si sa mémoire était une plaque daguérienne.

« Un jour, à la campagne, écrit Daudet, luttant avec un ami dans une de ces jolies îles vertes qui s’espacent en bouquets sur la Seine entre Champrosay et Saisy, je glissai sur l’herbe grasse et je me cassai la jambe. Mon goût malheureux pour la vie physique et les exercices violents m’a joué tant de méchants tours, que j’eusse oublié celui-là comme les autres, sans sa date précise et très significative : 14 juillet 1870… Et je me vois, à la fin de cette cruelle journée, couché sur le divan de l’ancien atelier d’Eugène Delacroix, dont nous habitions alors la petite maison, à la lisière des bois de Sénart. Ma jambe allongée, je ne souffrais pas trop, déjà dans la vague agitation d’une fièvre commençante qui doublait pour moi la chaleur orageuse de l’atmosphère et enveloppait les objets et les êtres présents, comme des lambeaux