Page:Claretie - Jules Sandeau, 1883.djvu/17

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course, ami ; secoue de tes pieds jusqu’au dernier grain de la poussière de France ; purifie-les dans la rosée des fleurs de l’Abruzze ou dans le docte cristal de l’Arno ! »

George secoua si bien « la poussière de ses pieds » qu’elle en secoua non seulement sur Sandeau qu’elle délaissait, mais sur Musset qu’elle emportait à ses semelles.

Jules Sandeau, même marié, même vieilli, n’oublia jamais complètement cette souffrance. Il n’avait pas revu George Sand depuis des années, de ces longues années où chacun, la chaîne dénouée, se refait à part soi une vie nouvelle, au hasard des destinées, lorsqu’un soir, dans les bureaux de la Revue des Deux Mondes, un petit homme chauve, à tournure militaire et pensive, heurta en entrant une femme grasse, au teint de tzigane, qu’il salua poliment :

— Pardon, madame !

— Pardon, monsieur !

Et quand Sandeau se fut assis :

— Quelle est donc cette dame ? demanda-t-il.

— Comment ! C’est vous qui demandez cela ?… C’est George Sand !