Page:Claretie - Petrus Borel, le lycanthrope, 1865.djvu/75

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et jamais la haine de l’humanité ne parla un tel langage :

Je répugne à donner des poignées de main à d’autres qu’à des intimes ; je frissonne involontairement à cette idée qui ne manque jamais de m’assaillir, que je presse peut-être une main infidèle, traîtresse, parricide !

Quand je vois un homme, malgré moi mon œil le toise et le sonde, et je demande en mon cœur : Celui-là, est-ce bien un probe, en vérité ? ou un brigand heureux dont les concussions, les dilapidations, les crimes, sont ignorés, et le seront à tout jamais ? Indigné, navré, le mépris sur la lèvre, je suis tenté de lui tourner le dos.

Pétrus va plus loin encore dans sa rage sourde :

Un pauvre qui dérobe par nécessité le moindre objet est envoyé au bagne ; mais les marchands, avec privilège, ouvrent des boutiques sur le bord des chemins pour détrousser les passants qui s’y fourvoient. Ces voleurs-là n’ont ni fausses clefs, ni pinces, mais ils ont des balances, des registres, des merceries, et nul ne peut en sortir sans se dire : Je viens d’être dépouillé. Ces voleurs à petit peu s’enrichissent à la longue et deviennent propriétaires, comme ils s’intitulent, — propriétaires insolents !

Au moindre mouvement politique, ils s’assemblent,