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TRISTESSE DE L’EAU


Il est une conception dans la joie, je le veux, il est une vision dans le rire. Mais ce mélange de béatitude et d’amertume que comporte l’acte de la création, pour que tu le comprennes, ami, à cette heure où s’ouvre une sombre saison, je t’expliquerai la tristesse de l’eau.

Du ciel choit ou de la paupière déborde une larme identique.

Ne pense point de ta mélancolie accuser la nuée, ni ce voile de l’averse obscure. Ferme les yeux, écoute ! la pluie tombe.

Ni la monotonie de ce bruit assidu ne suffit à l’explication.

C’est l’ennui d’un deuil qui porte en lui-même sa cause, c’est l’embesognement de l’amour, c’est la peine dans le travail. Les cieux pleurent sur la terre qu’ils fécondent. Et ce n’est point surtout l’automne et la chute future du fruit dont elles nourrissent la graine qui tire ces larmes de la nue hivernale. La douleur est l’été et