Page:Claudel - Connaissance de l’est larousse 1920.djvu/70

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mystique, où me sera-t-il donné de participer à ton flot avare.

Ce soir le soleil me laisse auprès d’un grand olivier que la famille qu’il nourrit est en train de dépouiller. Une échelle est appliquée à l’arbre, j’entends parler dans le feuillage. Dans la clarté éteinte et neutre de l’heure, je vois éclater des fruits d’or sur la sombre verdure. M’étant approché, je vois chaque vergette se dessiner finement sur le sinople du soir, je considère les petites oranges rouges, je respire l’arôme amer et fort. Ô moisson merveilleuse, à un seul, à un seul promise ! fruit montré à je ne sais quoi en nous qui triomphe !

Avant que je n’atteigne les pins, voici la nuit et déjà la froide lune m’éclaire. Ceci me semble être une différence, que le soleil nous regarde et que nous regardons la lune ; son visage est tourné vers ailleurs, et comme un feu qui illumine le fond de la mer, par elle les ténèbres deviennent, seulement, visibles. — Au sein de cet antique tombeau, dans l’herbe épaisse de ce temple ruiné, sous la forme de belles dames ou de sages vieillards, vêtus de blanc, ne vais-je point rencontrer une compagnie de renards ? Déjà ils me proposent des vers et des énigmes ; ils me font boire de leur vin, et ma route est oubliée. Mais ces hôtes civils veulent me donner un divertissement ; ils montent debout l’un sur