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chap. xviii. — défense des rivières.

qui paraît insignifiant au premier abord change parfois le cas du tout au tout, et ce qui, dans une circonstance, est une preuve d’entente et de sagesse, peut, dans une autre, avoir les suites les plus désastreuses. La difficulté d’apprécier chaque chose à sa juste valeur et, dans l’espèce, de défendre chaque fleuve selon le mode qui lui convient, est peut-être plus grande ici que partout ailleurs. Il faut donc se prémunir particulièrement contre le danger de toute interprétation ou application fausse. Mais, par contre, une fois cette réserve faite, nous déclarons aussi sans détours que nous ne tenons aucun compte des grands mots et des phrases de ceux qui, sous l’empire de sentiments et d’idées qu’ils seraient bien embarrassés de préciser, attendent tout de l’attaque et des manœuvres, et voient l’image entière de la guerre victorieuse dans un hussard lançant son cheval au galop et brandissant son sabre au-dessus de son talpack.

Ce sont là des sentiments qui persistent rarement, et qui, alors même qu’ils persistent, ne sauraient suffire, ainsi que le prouve l’exemple du dictateur Wedel à Zullichau en 1759, et leur plus grand danger est que, s’ils ne persistent pas, ils abandonnent l’esprit du commandant en chef au dernier moment, le laissant ainsi indécis et perplexe en présence des circonstances les plus formidables et les plus compliquées.

Nous croyons donc que, lorsque les circonstances s’y prêtent et que l’on sait se contenter d’une négative modeste, la défense directe des cours d’eau entreprise avec de grandes masses de troupes peut amener de bons résultats. Mais il ne saurait en être de même lorsqu’on ne dispose que de faibles effectifs. Étant donnée une certaine étendue d’un cours d’eau prise comme ligne de défense, il est certain que 60 000 hommes

ii. 13