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la défensive.

conséquent, le rôle de la réserve ne consiste pas, comme dans le cas présent, à surveiller le gros de l’armée attaquante, mais, ce qui est bien autrement difficile, à deviner sur quel point on cherchera à forcer le passage.


Nous devons faire remarquer, au sujet de ces deux modes défensifs des grands et petits cours d’eau, qu’ils seront généralement loin de remplir les conditions avantageuses que nous venons de leur attribuer, si, dans la confusion d’un mouvement de retraite précipité, la défense cherche à en tirer parti sans dispositions préparatoires, sans connaissance complète du terrain avoisinant, et sans avoir tout d’abord détruit tous les moyens auxiliaires de passage que l’ennemi pourrait utiliser. En pareille occurrence, ce serait une grande faute d’éparpiller ses forces sur des positions étendues, et les procédés défensifs que nous avons exposés jusqu’ici ne trouveraient plus leur application.

Rien ne réussit à la guerre que ce qui a été mûrement réfléchi et conçu avec une forte volonté. Une défense fluviale qui n’aura été entreprise que dans la crainte d’avoir à se mesurer avec l’adversaire dans une bataille en rase campagne, et dans l’espoir que la largeur du cours d’eau et la profondeur de la vallée arrêteront la marche de l’attaque, ne produira généralement que de mauvais résultats. La démoralisation est grande quand le commandement obéit à de tels mobiles, les sombres pressentiments du général en chef s’étendent bientôt à toute l’armée, et fréquemment les événements se chargent de les réaliser. Dans une bataille, les conditions ne sont pas mesurées également entre les deux adversaires comme dans un duel, et le défenseur qui ne sait pas faire tourner à son bénéfice les avantages inhérents à la forme défensive, la facilité de marche et